Le RCT joue collectif à Tignes
Rue Seillon à Toulon, sa galerie d’art fête ses trente ans cette année : ce passionné est reconnu pour sa connaissance de l’école provençale, expert de Deval, et spécialiste de l’oeuvre de Buffet.
Pluie de couleurs et de contrastes, des paysages et des visages. Aux cimaises de la galerie Estades, des toiles de Fusaro, Gisclard, répondent à Baboulène, Buffet, Astoin, Maltèse. « Maltèse... mon prof d’arts plastiques quand j’étais enfant, il m’a appris à faire de la céramique », se souvient Michel Estades. Le galeriste sourit. Ce rendez-vous d’été met en lumière la diversité et la valeur des artistes qu’il édite. Brayer, Loulé,
Jehan. « Jehan, je l’ai découvert il y a 20 ans, glisse-t-il. Il était à l’opposé de ce que je faisais à l’époque. J’ai été séduit par la fraîcheur de son travail, son optimisme. Je savais que c’était pour moi… »
Spécialiste des peintres provençaux
Jehan, qui compte parmi les 100 artistes les plus vendus dans le dernier classement Artprice. « J’ai aussi classé Charles Malle, Michel Jouenne, Jean Fusaro. Pour
une galerie de Province… », dit-il humblement, conscient de cette consécration. Le résultat du travail de ce passionné d’art, marchand iconoclaste, furieusement libre. «Jefais mon métier comme un collectionneur. Je ne m’interdis rien et ne vends que des oeuvres que j’aimerais
avoir chez moi. Mais du coup, c’est forcément arbitraire… »
Certainement ce qui fait sa côte auprès de sa clientèle. Spécialiste des peintres provençaux, de Bernard Buffet, expert reconnu des peintures de Pierre Deval, Marie Astoin, Pierre Ambrogiani, Michel Estades, 56 ans, est toujours resté fidèle à ce qu’il est. Et attaché à sa ville, Toulon, viscéralement. « Mon père est né
là, confie-t-il en pointant le doigt vers l’extérieur, au 5e étage de la Maison des têtes. » Ses grands-parents avaient un magasin de fruits et légumes à deux pas, de là, rue de la Fraternité. L’art, Michel Estades est tombé dedans petit, en suivant son oncle dans les musées, les brocantes, les ventes publiques... « Le beau me transcendait ».
Après le bac, ses études et surtout son service militaire, il ouvre en 1986, son premier magasin rue Seillon. Pendant 4 ans, il vend antiquités, brocante, tableaux, comprend que le marché de l’art est à
Paris, « mais je comprends aussi qu’avec mes prix de Province, je peux vendre facilement… » Il le prouve sur les salons, aux puces de Saint-Ouen. Sa rencontre avec Deval dans les années quatre-vingt, alors que le peintre est installé au domaine d’Orvès à La Valette – « j’avais 24
ans » – son amitié avec le Toulonnais Baboulène – « Je traversais la
rue et j’allais le saluer » – le font plonger de plain-pied dans l’univers du tableau. La relation qu’il noue quelques années plus tard avec Maurice Garnier, marchand des oeuvres de Bernard Buffet, fait le reste. Il ouvre sa galerie rue Seillon en 1990, en s’appuyant sur un terroir d’artistes provençaux qui ne demandaient que cela : « qu’on les défende », aidé par les ventes publiques des peintures de l’école provençale « À l’époque tout le monde en voulait ! »
Un livre à venir
L’ouverture d’une galerie à Lyon en 1998, puis à Paris en 2009.
Baden Baden en Allemagne depuis l’an dernier. Des établissements qu’il rachète, des opportunités qu’il saisit par amitié pour les hommes autant que par goût du métier, et l’envie de transmettre. Car à 56 ans, même s’il a banni le mot « retraite » de son vocabulaire, transmettre est ce qui l’anime. Il a mis à profit le confinement pour rédiger ses mémoires, forme son neveu de 21 ans, Vincent. « Il aime l’art. Et il m’incite aussi à utiliser les réseaux sociaux pour montrer ce que l’on fait, les artistes en qui l’on croit ». Ils ont même lancé une chaîne youtube dédiée, un compte Instagram. Et Michel va très prochainement agrandir sa galerie. Son catalogue est plein, mais il ne s’interdit pas de nouvelles rencontres artistiques, lui qui rêve de découvrir à nouveau des Deval, des Astouin, même s’il sait que c’est rare. « Il y a beaucoup de gens qui créent, mais peu de vrais artistes. »
Michel Estades s’est-il déjà trompé ? « Une fois, avec un peintre. Je me suis trompé sur l’appréhension, le ressenti du public. Mais pas sur la qualité de l’artiste dont j’ai une toile, chez moi. »
Talent, inné, de collectionneur.
« Je traversais la rue et j’allais saluer Baboulène. »