Var-Matin (Grand Toulon)

NELLY NUSSBAUM nous@nicematin.fr

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C’est en 1801 que sur ordre de Napoléon, alors Premier Consul de France, fut fondé le premier jardin botanique d’Ajaccio. Lorsque l’on sait que son père Charles-Marie Bonaparte (1746/1785) avait tenté d’en créer un une trentaine d’années auparavant, on peut comprendre le vif intérêt du fils pour une création de ce genre. En effet, Charles-Marie Bonaparte avait imaginé, non sans difficulté, une importante pépinière près d’Ajaccio en 1782. Un projet qui allait endetter la famille pour de longues années. En 1776, Bonaparte père récupère un héritage englobant l’Étang delle Salini – les Salines — qui, situé au nord-est d’Ajaccio n’est en fait qu’un marécage infecté et insalubre. Pour résoudre le problème de salubrité et en tirer des revenus, Charles propose d’assécher le marais, de le transforme­r en pépinière et d’y acclimater des mûriers pour monter une industrie de la soie. Le 19 juin 1782, il conclut un important contrat avec le pouvoir royal par lequel il s’engage à livrer des cocons de soie à partir de 1787 et l’État à les lui acheter. Mais, les résultats ne sont pas à la hauteur de ses espérances et les dettes vont peser sur la famille, bien après son décès le 24 février 1785. Sa veuve tente de poursuivre son oeuvre. Mais, restée inachevée, exploitati­on et site sont abandonnés.

Le fils réalise le rêve de son père

En 1800, pour suivre les traces paternelle­s, Napoléon donne l’ordre de créer un Jardin d’Expérience­s, soit un jardin botanique à Ajaccio pour y planter des plantes et épices exotiques. D’une superficie de 6 474 m², situé au sein d’un ancien couvent, transformé en hôpital militaire, il est inauguré le 12 juin 1801. Une grande diversité de végétaux venant d’un peu partout y est plantée sous l’égide du muséum de Paris, dont il est considéré comme une succursale. La nature est généreuse, mais devant le manque de moyens, le jardin est négligé. Lorsqu’en 1812, des crédits sont enfin débloqués, malgré intempérie­s, désertion des jardiniers et vandalisme lors du séjour de Napoléon à l’île d’Elbe, le Jardin d’Expérience­s Napoléonie­n recommence à prospérer. Avec l’importatio­n de cactus à cochenille­s, insectes qui produisent le carmin, colorant très recherché et de très grande valeur, vient aux administra­teurs l’idée de créer un artisanat corse de teintureri­e. «Ce précieux produit, pensent-ils, va faire un jour la fortune de la Corse ». En 1831, les militaires souhaitent agrandir l’hôpital.

Retour aux sources

Il est alors décidé de transférer le jardin botanique vers les Salines où, un siècle plus tôt, la monarchie Française avait soutenu l’idée de Charles Bonaparte d’ouvrir sa pépinière de vers à soie. En 1832, alors que les Salines passent domaine départemen­tal, le marais est alors totalement et définitive­ment asséché. En 1838, on y édifie une magnanerie pour reprendre l’industrie du ver à soie. C’est un véritable retour aux sources ! Malgré tous les efforts, l’élevage et la production de vers à soie ne fonctionne­ront jamais comme espérés. Plus tard, le bâtiment sera transformé en école et en habitation pour les élèves qui suivent des cours d’horticultu­re et d’agricultur­e. Seule perdure la pépinière. Mais rapidement, la réduction des subvention­s n’en permet plus l’entretien. Aussi, dans le dernier quart du XIXe siècle, ce jardin botanique tombe petit à petit dans l’oubli. Dès 1910, le quartier des Salines devient le lieu où les Ajacciens se promènent dimanches et soirs d’été. Transformé en espace d’habitation au fil du temps, il est devenu le quartier que nous connaisson­s aujourd’hui.

Remercieme­nts à Philippe Perfettini, animateur du patrimoine à Ajaccio et Angélique Quilichini, co-auteure du livre

Ed. Alain Piazzola.

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