VISITÉE PAR FRANÇOIS 1ER
Commandé par Louis XVIII, ce tableau a été voulu à la gloire de la royauté.
En 1815, l’Histoire de France bascula une nouvelle fois. L’Empire s’effondra, la royauté fut rétablie. C’est ce qu’on appela la Restauration. Il fallait à nouveau célébrer la grandeur historique de la royauté. Le roi Louis XVIII demanda à des peintres de réaliser une série de tableaux représentant des paysages dans lesquels apparaîtraient des rois de France. C’est ainsi que le peintre marseillais Prosper de Fontainieu fut sollicité. Il décida de représenter le paysage de la Sainte-Baume, en l’imaginant lors de la venue de François 1er, le 21 janvier 1516.
Chemin des rois
Le « chemin des rois », que l’on voit ici, tient son nom du fait qu’il a accueilli, outre François 1er, le roi René, Saint Louis et Louis XIV. Il monte vers la chapelle construite à flanc de falaise où Marie-Madeleine, compagne du Christ émigrée en Provence, vécut dans une grotte jusqu’à la fin de sa vie (une baume est une grotte). Le chemin est éclairé d’un rayon de soleil qui est aussi celui de la foi. Une lumière dorée baigne l’ensemble du paysage d’une douceur sacrée. La masse sombre de la forêt contraste avec la nappe claire des prairies lointaines, bornée à l’horizon par les crêtes mauves du massif calcaire. L’endroit n’a pas changé avec le temps. On y marche toujours parmi les hêtres, les chênes, les pins, les tilleuls. Pour un peu, on reconnaîtrait le grand arbre au tronc tourmenté qui se dresse au bord du chemin. Mais il n’existe plus. C’était il y a deux siècles. Cet arbre, d’ailleurs, a-t-il jamais existé ? L’artiste l’a peut-être dessiné là pour « composer » son paysage. Il avait fait des croquis sur place puis était retourné dans son atelier. Là, il avait reconstitué la scène. Ainsi font les peintres. Et, au bout du compte, ce qu’ils nous donnent à voir semble plus vrai que nature.
L’oratoire qui se dresse au centre du tableau a été vu par le peintre. Mais il n’existait pas à l’époque de François 1er., n’ayant été construit comme les autres oratoires qu’après le passage du roi. Lors de sa visite à la Sainte-Baume, le roi était en compagnie de sa femme la reine Claude, sa mère la reine Louise de Savoie, sa soeur Marguerite de Navarre. On ne peut pas dire que le peintre leur prêta beaucoup d’attention. Il les a représentées, minuscules, sur la gauche, vers le haut de l’escalier.
Destiné au château de Fontainebleau
« Ce tableau s’inscrit dans l’esthétique classique des paysages peints au XVIIe siècle, nous explique Grégoire Hallé, conservateur du musée de Draguignan. Ony ressent une belle respiration. L’air y circule. On admire la profondeur du paysage, la percée vers le lointain. On remarque la précision des détails de la peinture de l’arbre et la multitude des nuances de vert pour représenter la forêt. L’arbre incliné structure la composition entre deux espaces lumineux qui s’équilibrent. »
Une fois peint, le tableau fut envoyé en 1819 au château de Fontainebleau et exposé dans la galerie de Diane. Il déplut aux critiques. Gustave Jal parla de l’« oeuvre maussade d’un peintre mal inspiré ». Le duc de Nemours qui, lui, l’appréciait, l’accrocha dans ses appartements privés. À la suite d’un don de l’État à la ville, le tableau réapparut à Draguignan en 1876, dans le musée qui existait depuis la fin du XVIIIe siècle dans le couvent des Doctrinaires, et qui déménagera en 1888 dans ses locaux actuels qui sont ceux de l’ancien palais d’été de Monseigneur du Bellay. Lors de la prochaine réouverture du musée, actuellement en travaux, une place royale lui sera réservée. Il la mérite.
Une lumière poudrée d’or baigne l’ensemble du paysage d’une douceur sacrée.