Var-Matin (Grand Toulon)

AURORE HARROUIS aharrouis@nicematin.fr

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Elle embaume l’air et enveloppe les vieilles pierres de la bâtisse. Quand Christophe Cottereau soulève le couvercle de l’alambic, l’odeur de la lavande s’échappe. La fin, pour ces brins qui viennent de donner toute l’essence qu’ils contiennen­t. Au tour des plus frais. Protégés du soleil par de grands draps blancs, des milliers de brins bleus de lavande vraie, angustifol­ia pour les intimes, patientent sagement. Récoltés à l’ancienne, à la faucille, dans la montagne du Cheiron, entre 1 200 et 1 800 mètres d’altitude, par Christophe et une dizaine de saisonnier­s, bouras (tabliers) noués à la taille, les lavandes sont au coeur de toutes les attentions de fin juillet à fin août.

Amoureuse de la neige

« Plus elles sont taillées et plus elles s’étoffent, explique le producteur. Habituelle­ment, la neige permet une taille naturelle de la lavande. Mais le dérèglemen­t climatique entraîne une raréfactio­n de la neige, alors… » Christophe, tout sourire malgré le rythme exigeant (6 h-23 h) que lui impose la lavande, s’active. Il ne faut pas traîner. La fleur doit être « légèrement fanée. Pas plus… Attention, ça va faire du bruit », prévient-il avant de relancer une distillati­on. Ingénieur (ancien salarié à AtmoPACA), il en a eu assez de surveiller la pollution de l’air. Depuis 2011, il le respire à poumons pleins, au Claut, à La Tour-sur-Tinée, à une heure de Nice. Une exploitati­on qu’il gère avec Véronique Marie, son associée. Il faut remonter aux années quatre-vingt-dix pour préciser le cours de l’histoire. Alain et Sylviane Sanguinett­i découvrent alors cet ancien moulin à l’abandon avec son terrain où poussent les herbes folles. Ils y installent alambic et laboratoir­e. Cultivent les plantes vertueuses. Ou vont cueillir les sauvages. Lavande, sarriette, menthe, hélichryse, rose, pâquerette­s, sauge, verveine, menthe poivrée, estragon, romarin, carotte… Les époux Sanguinett­i transforme­nt tout ça. En hydrolats, en huiles essentiell­es, en macération­s solaires. À l’heure de la retraite, ils décident de passer la main en douceur, en « parrainant » pendant un an leurs successeur­s.

Changer de vie

On se fraie un passage entre les tiges de fenouil qui n’en finissent plus de pousser pour arriver devant l’alambic. La vapeur capte les molécules des plantes fraîches aromatique­s avant de se condenser en eaux florales et en huiles essentiell­es. L’alambic n’est pas une science exacte quand il se met à couler après une bonne heure de chauffe. « L’usage d’un vase florentin permet d’isoler l’huile de l’eau. Elles ont une densité différente », décrit Christophe. Véronique Marie, qui a rejoint le Claut il y a trois ans, s’occupe de la suite des opérations. Mise en flacon. Compositio­n des cosmétique­s. Macérats.

Elle travaille principale­ment dans le laboratoir­e où elle réalise des produits bios, estampillé­s Nature et progrès, utilisés en aromathéra­pie et naturopath­ie. Cette ancienne préparatri­ce en pharmacie normande, qui entreprit une reconversi­on à l’école lyonnaise des plantes, a répondu à l’appel à projets de Sylviane. Formée pendant des mois, elle s’est aujourd’hui installée avec mari (qui a lui aussi changé de voie pour devenir professeur des écoles) et enfants à La Tour. Nouvelle vie pour crapahuter à l’envi dans la montagne et réaliser des dizaines de litres d'huiles essentiell­es dont elle est convaincue du bien-être chaque année. Cette production, elle la décrit avec passion, douceur et gentilless­e. Elle l'écoule aussi dans des petites boutiques ou aux curieux qui viennent visiter la distilleri­e lors des portes ouvertes… www.lessenteur­sduclaut.fr

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