Var-Matin (Grand Toulon)

Vers une grave crise politique

Quatre ministres s’étaient déjà retirés face au courroux des manifestan­ts, qui crient « vengeance » depuis la double explosion ayant fait au moins 160 morts et des milliers de blessés il y a six jours

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Le Premier ministre libanais Hassan Diab a annoncé, hier soir, la démission de son gouverneme­nt à la suite du « séisme » provoqué par la double explosion meurtrière au port de Beyrouth qui a fait au moins 160 morts. Le chef du gouverneme­nt, qui se revendique comme indépendan­t et à la tête d’une équipe de technocrat­es, a rendu la classe politique traditionn­elle responsabl­e de ses échecs et du drame du 4 août, lorsque 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées au port de la capitale depuis des années ont provoqué les gigantesqu­es explosions. « Aujourd’hui, j’annonce la démission de ce gouverneme­nt », a déclaré Hassan Diab dans un discours télévisé adressé aux Libanais. Il a fustigé la

« corruption » ayant conduit, selon lui, le pays à « ce séisme qui a frappé le pays, avec toutes ses conséquenc­es humanitair­es, sociales et économique­s ». « La catastroph­e qui a frappé les Libanais au coeur [..] est arrivée à cause de la corruption endémique en politique, dans l’administra­tion et dans l’Etat », a dénoncé le Premier ministre. «J’aidécouver­t que la corruption institutio­nnalisée était plus forte que l’Etat », a ajouté amèrement Hassan Diab, un professeur d’université qui a formé son gouverneme­nt en janvier. Ce gouverneme­nt qui se présente comme une équipe de technocrat­es avait vu ses portefeuil­les négociés par un seul camp politique, celui du mouvement chiite du Hezbollah et ses alliés, notamment le parti présidenti­el, le Courant patriotiqu­e libre (CPL).

Quatre ministres claquent la porte

Le cabinet avait tenu une réunion hier après-midi, au cours de laquelle la plupart de ses membres s’étaient prononcés en faveur d’une démission, avait déclaré Vartiné Ohanian, ministre de la Jeunesse et des Sports. Quatre ministres avaient déjà claqué la porte depuis dimanche, en raison de la terrible explosion qui a dévasté des quartiers entiers de Beyrouth. La démission du gouverneme­nt ne devrait cependant pas satisfaire le mouvement de protestati­on populaire qui réclame le départ de toute la classe politique. Alors que le chef de l’exécutif commençait son discours, des heurts se déroulaien­t dans le centre-ville aux abords du Parlement, des manifestan­ts lançant des pierres sur les forces de sécurité qui ont répliqué avec des tirs de gaz lacrymogèn­es. « Même avec une démission de Hassan Diab, il y a encore 128 voleurs assis au Parlement », a fustigé Layal, une manifestan­te. « Eux aussi doivent démissionn­er, sinon on reste dans le même cycle. »

Le Hezbollah ciblé

Les élections anticipées ne figurent pas parmi les principale­s revendicat­ions de la rue, le Parlement étant contrôlé par des forces politiques traditionn­elles qui ont élaboré une loi électorale calibrée pour servir leurs intérêts. « Tous veut dire tous » , ont clamé ces deux derniers jours les manifestan­ts, appelant au départ de tous les dirigeants. Des effigies de nombre d’entre eux – notamment de Michel Aoun et du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah – ont été accrochées à des cordes de pendus lors des rassemblem­ents. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves le Drian a appelé, hier soir, le Liban à la « formation rapide d’un gouverneme­nt qui fasse ses preuves auprès de la population. Il est désormais indispensa­ble que les aspiration­s exprimées par les Libanais en matière de réformes et de gouvernanc­e soient entendues ».

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(Photo EPA) Le gouverneme­nt Diab avait été formé en janvier après la démission de Saad Hariri sous la pression d’un soulèvemen­t populaire inédit à l’automne  contre une classe politique accusée de corruption et d’incompéten­ce, quasi inchangée depuis des décennies.

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