Var-Matin (Grand Toulon)

Leur force d’engagement et leur force créatrice”

- PAR LAURENT QUILICI lquilici@nicematin.fr

Beaucoup savaient que Téo Saavedra, le créateur du festival des Nuits du Sud est un réfugié chilien réchappé des geôles et de la torture sous la junte militaire de son pays. Mais pour la première fois, un livre relate son histoire, entrecrois­ée avec celle d’une figure de la résistance à l’ex-dictature de Pinochet : la réalisatri­ce Carmen Castillo. Le livre, lui, est l’oeuvre entrecrois­ée de deux amoureux du Chili : le politologu­e et éditoriali­ste Olivier Duhamel, également président de Sciences Po Paris, et Delphine Grouès, directrice de l’Institut des compétence­s et de l’innovation également à Sciences Po Paris. La parution de l’ouvrage ayant été reportée en raison du confinemen­t, sa première dédicace a eu lieu à Vence récemment, ville de Téo et des Nuits du Sud...

Pourquoi ce livre, Carmen et Téo ? Olivier Duhamel : J’avais beaucoup écrit d’essais et d’articles, mais jamais de roman. Je me suis lancé pour un premier livre en hommage à mes parents, mes premiers héros. J’y ai pris goût et, cette troisième cycle sur le Chili, qui a donné quelques années plus tard le livre Chili ou la tentative. J’avais accueilli chez moi pas mal de réfugiés chiliens, dont Carmen. Elle est mon amie depuis quarante ans, Téo depuis vingt-cinq ans. Quand elle avait dû interrompr­e le tournage du film sur mon père, elle m’avait aiguillé vers Téo. Ça a été un coup de foudre d’amitié. Je n’ai raté aucun festival des Nuits du Sud depuis leur début. Delphine Grouès : J’ai rencontré Carmen, il y a quinze ans, dans le cadre d’un mémoire universita­ire. Téo, plus récemment. J’ai toujours été passionnée par l’Amérique latine, ce qui a déterminé le choix de mes études. Le Chili est venu au détour d’un cours. Tous ceux que j’ai connus dans ce pays avaient vécu la dictature dans leur chair. On a voulu aborder ce sujet dans le roman.

Le roman ? O. D. : L’en-tête du livre l’explique. Leurs vies sont racontées à partir de ce que nous savons, et de ce que nous imaginons pour

Pourquoi ce livre à deux ? O. D. : Je suis président de Sciences Po. Delphine y enseigne. Je demande souvent aux gens de me raconter leur vie. Et Delphine m’a parlé du Chili. Une passion commune que nous avons découverte tous les deux à vingt-deux ans, même si nous avons vingt-cinq ans d’écart. Connaissan­t mon projet de livre, elle m’a apporté des documents de la CIA qui venaient d’être déclassifi­és. Je lui ai demandé : ‘‘Tu ne voudrais pas l’écrire avec moi ?’’

Comment s’est fait l’écriture à quatre mains ? O. D. : Un grand bonheur. On a commencé par construire le livre puis on s’est réparti les chapitres, voire des bouts de chapitre. On s’envoyait ce qu’on avait écrit. On se voyait les week-ends pour ajuster tout ça. On s’est aperçus que nos façons d’écrire n’étaient pas très différente­s. Parfois je ne sais même plus qui a écrit quoi.

Qu’est-ce qui vous fascine chez Carmen et Téo ? O. D. : J’ai une double admiration pour eux. Non seulement ils ont été capables de revenir à la vie après ce qu’ils ont traversé, mais il en est sorti des films et un festival ! J’adore la fidélité de Téo, sa douceur mais aussi son intransige­ance. Concernant Carmen, j’admire la femme, sa capacité à savoir ce qu’elle veut et à le dire. D. G. : J’admire la force de leur engagement et leur force créatrice, leur grande sensibilit­é et leur justesse. O. D. : Je n’ai pas passé de soirée avec Téo sans qu’il chante. Quand j’ai arrêté d’enseigner, je l’ai présenté à mes étudiants. Je lui avais dit : “Viens avec ta guitare” et je lui ai demandé de chanter la chanson des prisonnier­s, El Barco de Papel - Le Bateau de papier. Celle qu’ils entonnaien­t quand l’un d’eux était libéré. Une chanson qu’on retrouve dans le livre.

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