Var-Matin (Grand Toulon)

Quand la religion devient prison NATHALIE RICCI nricci@nicematin.fr

Plongée fascinante et effrayante dans la communauté ultra-orthodoxe de New York aux côtés d’Esty qui, à dixneuf ans, décide de fuir sa famille et son mariage arrangé.

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Première série Netflix en yiddish

Le seul défaut que l’on a trouvé à Unorthodox, la mini-série diffusée depuis le mois de mars sur Netflix, c’est qu’elle est bien trop courte. Seulement quatre petits épisodes (cinquante-trois minutes chacun, tout de même) et puis s’en va… C’est bien dommage car on en aurait bien passé encore du temps avec Esty, à admirer son courage, louer sa déterminat­ion, envier sa pugnacité, sourire (gentiment) aussi à ses petites inaptitude­s à vivre dans notre société. Inspirée de l’histoire vraie de Deborah Feldman, dévoilée dans son livre Unorthodox : The

Scandalous Rejection of My Hasidic Roots, cette mini-série allemande raconte l’histoire d’Esther « Esty » Shapiro qui, à dix-neuf ans, décide de quitter la communauté ultra-orthodoxe, dans laquelle elle a grandi. Tout commence dans le quartier de Williamsbu­rg, à Brooklyn (New York), qui est l’un des berceaux de cette frange radicale de la religion juive depuis la Seconde Guerre mondiale, et se poursuit à Berlin où se réfugie Etsy. Prenant un vol aller simple pour la capitale allemande où vit sa propre mère depuis qu’elle a, elle aussi, tourné le dos à cette même communauté hassidique, laissant une Esty enfant à son père. Ce qui est admirablem­ent montré au fil des quatre épisodes, c’est comment quitter sa communauté devient vital pour Esty, même si cela ne constitue pas vraiment une libération, mais plutôt une échappatoi­re nécessaire à sa survie.

Les femmes considérée­s comme des procréatri­ces

Les allers-retours incessants entre la vie de la jeune fille à Berlin où elle se lie d’amitié avec une bande de jeunes musiciens et des épisodes de sa vie passée, renforcent encore le caractère étouffant, presque « carcéral » de la vie au sein de cette communauté très (très !) rigoriste et totalement repliée sur elle-même. Pour mieux le comprendre, il faut savoir que le fondement de ce mouvement est la vie ellemême. Son but : remplacer les millions de Juifs morts durant l’Holocauste. Et en ce sens, les femmes de la communauté ne sont vues que comme des procréatri­ces. Elles doivent beaucoup enfanter, et ce, dès les premières semaines de leur vie maritale. Des mariages arrangés lorsqu’elles sont très jeunes. Les femmes sont assignées à résidence, n’ont pas le droit de travailler, ni d’avoir des loisirs. Chanter ou jouer de la musique leur est interdit (seuls les hommes le peuvent). Esty prend des cours de piano à l’insu de sa famille et c’est là le premier acte de sa volonté de se libérer des règles strictes qui lui sont imposées.

Comme un documentai­re…

Les femmes de la communauté s’habillent de couleurs sombres et de vêtements qui ne doivent pas les mettre en valeur, chaque partie de leur corps (à l’exception des mains et du visage) est cachée. Elles doivent également se raser la tête, leurs cheveux étant jugés impurs, et porter ensuite perruques ou turbans pour cacher leur crâne nu. C’est cette « tradition » qui donne sans aucun doute sa scène la plus forte et la plus marquante à la série : lorsqu’Esty perd sa longue chevelure et se fait raser la tête. Et la plongée dans ce monde isolé – où la surveillan­ce et le jugement des autres « membres » sont incessants –, est totale puisqu’une grande partie des dialogues est en yiddish. C’est d’ailleurs la première série Netflix tournée dans ce dialecte allemand parlé par les population­s juives d’Europe centrale et orientale depuis le Moyen Âge. Et la pépite de cette série – l’une des premières à mettre en lumière les problèmes des femmes au sein de la communauté hassidique – est sans aucun doute son actrice principale, Shira Haas. Elle est tellement habitée par son rôle et empreinte d’une telle gravité et solennité que c’est vraiment grâce à son jeu (tout le casting est irréprocha­ble) que l’on a parfois plus l’impression de regarder un documentai­re qu’une série fictionnel­le. Et que l’on espère vraiment (et on est loin d’être les seuls !) la mise en route d’une deuxième saison.

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