Var-Matin (Grand Toulon)

La justice est trop lente, un braqueur est remis en liberté

Condamné en 2018 à 12 ans de réclusion criminelle pour des vols à main armée à Solliès-Ville et Solliès-Pont, il avait fait appel. En l’absence de renvoi dans un délai raisonnabl­e, il a été libéré

- PEGGY POLETTO

Condamné à 12 ans de réclusion criminelle le 7 décembre 2018 par la cour d’assises du Var, pour trois vols à main armée commis entre mai et août 2016 à Solliès-Pont et Solliès-Ville, Jérôme V. vient d’être libéré faute d’avoir été (re)jugé dans un délai raisonnabl­e. Le 30 mai 2016, l’individu pénètre avec une arme dans la station-service K9 à Solliès-Ville et se fait remettre le contenu de la caisse. Quinze jours plus tard, le 16 juin, une employée de la supérette Vival à Solliès-Pont est menacée à son tour. Jérôme V. se fait remettre l’argent du tiroir-caisse.

Il sévissait en Austin Mini

Le 23 août, il revient sur les lieux de son premier méfait sur la commune de SollièsVil­le et s’en prend à nouveau à la station-service. Trois vols à main armée qu’il effectue d’ailleurs à bord d’une Austin Mini déclarée volée par son propriétai­re. À l’issue de son jugement devant la cour d’assises à Draguignan, la cour et les jurés ont estimé, eu égard à la gravité des faits, ainsi qu’au traumatism­e occasionné aux victimes, au caractère crapuleux et au passé judiciaire de l’accusé – condamné sur une période de 20 ans à des peines conséquent­es de 7, 5 et 4 ans de prison –, qu’il devait purger 12 années de réclusion criminelle. Mais la justice a fait volte-face...

Douze mentions sur son casier

Après quatre ans de détention, ce Toulonnais âgé de 39 ans, au casier judiciaire noirci de douze condamnati­ons (stupéfiant­s, vols aggravés, recel, usurpation d’identité...) a quitté en ce mois d’août la prison de La Farlède, où il était incarcéré depuis le 17 novembre 2016. Désormais placé sous contrôle judiciaire strict, assorti notamment d’une obligation de travailler, l’homme avait en effet fait appel de sa condamnati­on criminelle et attendait d’être à nouveau jugé devant la cour d’assises d’appel de Nice depuis plus d’un an. Face à la lenteur de la justice à entendre l’affaire dans un délai raisonnabl­e (1), son avocat, Me Morgan DaudéMagin­ot, a formulé une demande de remise en liberté le 1er juillet dernier. Une requête à laquelle a accédé la chambre de l’instructio­n de la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 31 juillet. Malgré la vive opposition du ministère public. Les magistrats ont notamment estimé qu’en l’état des éléments soumis sur les faits, sur la personnali­té de l’intéressé, sur ses garanties de représenta­tion (logement et emploi) et vu la durée de détention subie (quatre ans), « il n’apparaît pas que le maintien de celleci puisse désormais être justifié au regard des dispositio­ns législativ­es et convention­nelles applicable­s », commente l’avocat toulonnais. « Il a été estimé qu’il fallait libérer mon client et le placer sous contrôle judiciaire. La justice a failli en tardant à le renvoyer devant la cour d’assises d’appel », commente Me Morgan Daudé-Maginot.

Une loi de 

Il rappelle que la loi du 23 mars 2019 et l’article 3803-1 fixent un cadre très strict en matière du respect de délai : « L’accusé doit comparaîtr­e devant la cour d’assises statuant en appel sur l’action publique dans un délai d’un an », si l’accusé est incarcéré. « Si mon client ne pouvait pas bénéficier de l’applicatio­n de cet article, l’esprit de la loi plus favorable a été appliqué par les magistrats aixois. À ce jour, il est libre. Il faut savoir qu’il a pris ses responsabi­lités en reconnaiss­ant les faits et qu’il ne fait pas appel sur le montant des indemnisat­ions qu’il doit aux victimes. Il veut s’amender de ses actes. » À ce jour, la date du renvoi devant la juridictio­n d’appel des Alpes-Maritimes n’est toujours pas connue. Face à l’auto-sanction du système judiciaire, Jérôme V. est actuelleme­nt considéré comme présumé innocent, en l’absence de tout jugement définitif.

1. La Convention européenne des droits de l’Homme précise que « toute personne a le droit d’être jugée dans un délai raisonnabl­e ». Ce délai ne peut dépasser deux ans selon la jurisprude­nce.

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(Photo doc Dylan Meiffret) L’homme a été jugé en  devant la cour d’assises à Draguignan.
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(Photo DR) Me Morgan DaudéMagin­ot.

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