Un engin sans équivalent pour dépolluer les ports
Après plusieurs années de recherche, le Seynois Philippe Francqueville a mis au point un système capable de récupérer les déchets et hydrocarbures de surface dans tous les ports. Prometteur !
Passionné par la mer depuis son enfance, Philippe Francqueville (42 ans) a passé les 19 premières années de sa vie à La Seyne. « Mon père était architecte naval ici, puis à Saint-Mandrier. J’ai grandi en bord de mer et dans les coulisses de la fabrication de bateaux. La mer fait partie de mes chromosomes ! ». Après ses études, le jeune homme passe deux ans en Polynésie française où il dessine des bateaux pour le compte d’un petit chantier naval. De retour sur ses terres natales, en 2008, Philippe Francqueville se met à fabriquer son premier bateau pour son compte, un semi-rigide en aluminium, « seul et avec très peu de moyens. J’ai conçu un modèle qui a beaucoup plu... à la brigade de police de La GrandeMotte, et à qui j’ai vendu les deux premiers exemplaires, fabriqués dans une moitié de hangar que je louais à Marseille. » Fort de ce succès, le Seynois créé son chantier naval à Roquefortla-Bédoule où il a l’opportunité de s’installer. Lancée en 2012, l’entreprise qui porte son nom, spécialisée dans la production et la réparation de bateaux en alu, va se développer petit à petit : elle emploie aujourd’hui 15 collaborateurs et a réalisé en 2019 près d’un million d’euros de chiffre d’affaires. Parallèlement, son responsable gamberge sur un autre projet...
« Autonome et simple à utiliser »
« Il y a 8 ans, j’ai travaillé pour un client de mon père qui voulait fabriquer un bateau de dépollution. Le système semblait pertinent, mais après de nombreux essais, il s’est révélé inopérant et son concepteur a rencontré des problèmes de financement ». Qu’à cela ne tienne, Philippe Francqueville, « très sensibilisé à la lutte contre la pollution des océans », réfléchit à mettre au point un engin plus simple, et surtout autonome, pour nettoyer plans d’eau et rivages. Il reçoit même une subvention de l’Europe pour accélérer ses recherches. Et bénéficie de précieux conseils. « J’ai vendu à la CCI du Var un bateau en aluminium destiné au port de Toulon. Dans la discussion, le maître du port s’est montré intéressé par mon système de dépollution. Il m’a fait part des contraintes rencontrées dans un bassin portuaire, et de ses attentes face à un dispositif de nettoyage. J’ai fait évoluer mon engin selon son cahier des charges ». Philippe multiplie les tests en piscine, et conçoit au total sept prototypes pour développer un produit voué à être « fonctionnel et répondant efficacement à la problématique des déchets dans les ports ». L’analyse est la suivante : « Les courants et vents porteurs poussent les déchets dans certains angles des bassins, souvent difficilement d’accès. L’idée était donc de concevoir un engin simple à positionner (y compris sous un quai ou entre deux bateaux), ne nécessitant aucune formation pour être pris en main, et dont le coût soit très accessible. Il fallait aussi qu’il soit, en même temps, léger et résistant, efficace dans toutes les situations météo, et que l’entretien soit quasi inexistant ».
« Les déchets viennent ànous!»
Et c’est ainsi qu’après plusieurs années de conception, Philippe présente le “DPOL” qui, en aspirant l’eau sur plusieurs centaines de mètres carrés, permet de recueillir « 4 kg à 5 kg de déchets de surface par minute » ! Une phase de tests grandeur nature réalisée dans le port de Toulon, avec l’appui de la CCI du Var, démontre que le “DPOL” est désormais opérationnel. Et promis à un bel avenir. « Le système n’a pas d’équivalent dans le monde, assure son concepteur. Des Australiens ont sorti un produit du même type qui semblait prometteur. Mais à l’usage, il ne s’avère pas fonctionnel – c’est aussi l’avis des responsables du port de Toulon qui en ont acheté un. Puis une entreprise des Bouchesdu-Rhône a conçu un engin téléopéré qui a des points communs avec le mien, sauf qu’il faut courir après les déchets, ce qui consomme du temps et de l’énergie. Avec mon système de pompe aspirante, les déchets viennent à nous ! ».
Un marché mondial
Aujourd’hui, Philippe Francqueville dit recevoir « de nombreuses marques d’intérêt » de la part de gestionnaires de ports, mais aussi de lacs. « Ils sont intéressés par les économies que leur permettrait de réaliser le “DPOL” car le nettoyage d’un port – pratiqué essentiellement à l’épuisette – coûte cher et s’avère fastidieux. Si on regarde le rapport coût / efficacité, le “DPOL” explose tout ! ». Le Seynois a-t-il trouvé la recette du succès sur un marché mondial ? « Je sais que je vais en vendre un certain nombre. Mais je ne fais pas beaucoup de marge sur chaque engin vendu environ 2 000 euros. Notamment parce que la pompe me coûte déjà près de la moitié de la somme. Je préfère proposer le “DPOL” à un prix accessible, qui soit incitatif. De la sorte, j’optimise les chances d’en vendre beaucoup et, en même temps, d’en faire un produit valorisant pour l’image de mon entreprise ». Philippe envisage d’embaucher jusqu’à trois personnes pour produire son engin en quantité. Pourrait-il le fabriquer à La Seyne ? « Si ça ne tenait qu’à moi, je dirais oui ! La Seyne est ma ville de coeur, j’y viens toujours régulièrement car ma mère habite encore aux Sablettes. Mais pour l’heure, c’est le chantier naval de Roquefort-la-Bédoule qui est en charge de la production. Maintenant, si je reçois des centaines de commandes, il faudra sans doute que je crée un atelier ailleurs... »