Var-Matin (Grand Toulon)

Quand la colline était une source de richesse naturelle

Chaque mois, le Pays d’art et d’histoire de la Provence verte organise des visites guidées. Toutes ont été annulées à cause de la crise sanitaire. Session de rattrapage.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE REYNAUD

Tout au long de l’année, le Pays d’art et d’histoire de la Provence verte, proposait une journée de visite guidée par mois, pour découvrir le patrimoine local. Une mise en lumière de l’héritage provençal laissé par nos aïeux provençaux. Malheureus­ement, compte tenu des nouvelles règles relatives aux rassemblem­ents, tous les rendezvous ont été annulés. Leur retour se fera vraisembla­blement au mois d’octobre prochain. Guide et historienn­e de formation, Aurélie Robles est l’un des visages qui présente aux curieux les facettes cachées de la Provence verte. Elle nous fait part du savoir-faire issu des collines avant la Seconde Guerre mondiale. « Aujourd’hui, la colline est perçue comme un lieu de loisirs, pour se ressourcer avec des balades, la chasse…, indique-t-elle. Alors que pour certains, c’était un lieu de travail. » Voyage au temps où l’artisanat issu des collines rythmait le quo- tidien des Varois.

Le charbon de bois

« Dans les années 1870, des familles venues d’Italie se sont installées dans les forêts varoises. Elles ont construit des cabanes en pierre avec un toit végétal que l’on appelle des charbonniè­res, dont certaines sont encore debout. Au fil du temps, ils ont été intégrés aux villages. Les Italiens avaient un savoirfair­e. Ils se servaient du chêne, blanc ou vert, en faisaient des meules pour les cuire à l’étouffée. C’est un travail ingrat d’où leur surnom d’homme des bois. La population s’appuyait sur eux pour produire le charbon de bois qui servait pour la cuisine par exemple. Cette activité a disparu après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, il reste quelques cabanes en ruines, à Campsla-Source par exemple au quartier Saint-Pierre. Des clairières portent encore des traces avec de la terre noire. Une reconstitu­tion est faite également à Correns sur le chemin de l’écluse. »

La chaux

« C’est une pratique très fréquente dans la région puisque nous avons des roches calcaires. Dans les collines, il y avait du bois et du calcaire a portée de main tout au long de l’année pour faire de la chaux vive. Tous les villageois savaient en faire. Chacun avait sa fosse en pierre près du mas ou de la bastide. On retrouve aussi des fours plus grands, pour une pratique plus industriel­le, avec des chaufourni­ers qui devaient la revendre, ou bien travailler sur des grands chantiers comme le château du Castellas à Forcalquei­ret ou la basilique à Saint-Maximin. La chaux s’utilisait pour confection­ner des mortiers, les crépis, assainir les murs des maisons, dans la chasse, la putréfacti­on de petits animaux. Ce procédé existait déjà depuis l’Antiquité. On retrouve des traces de fours médiévaux à Rocbaron, ils ont dû servir à la rénovation du château juste à côté. Aujourd’hui, c’est une pratique qui revient au goût du jour. »

L’huile de cade

« Dans les collines, nous avons du genévrier cade à profusion. On trouve sa trace en Provence dès l’Antiquité. Au début, on faisait de l’huile de cade à l’aide de petites marmites. Certains possédaien­t un four dédié. Cette huile était utilisée par les bergers pour soigner les chèvres ou les moutons. Mais aussi pour des soins de la peau : galle, eczéma… À partir du début du XXe siècle, un baume pour les malades est créé. Il va donner son nom au fameux savon Cadum, où l’usine est à Courbevoie (Île-de-France). Le genévrier cade va être produit par l’industrie pharmaceut­ique. Elle n’est plus produite artisanale­ment mais on trouve encore de l’huile essentiell­e à base de cade. Peu de personnes savent encore en faire. À Rocbaron, à côté du terrain de La Verrerie, on peut trouver un four reconstitu­é. »

Les ruchers

« En se baladant, les gens ont certaineme­nt dû en voir à côté de cabanons. Les apiés (ou un brusc en provençal) sont faits de quatre murs qui forment un carré en pierre sèche pour protéger les ruches artisanale­s. Dans ces niches, on met des ruches en bois ou en liège. Cela protège du vent et du soleil. Certaines peuvent faire jusqu’à 10 mètres sur 10 mètres. On en voit beaucoup à Correns, à Forcalquei­ret proche du quartier de La Verrerie, à Carcès près de la chapelle NotreDame du Carami. Plus on remonte dans le Verdon, plus on trouve des ruches de type placard, dans les façades ou au dernier étage des maisons. Les villageois récupéraie­nt ces essaims sauvages pour les placer dans des alvéoles. Ils récupéraie­nt le miel et la cire. Le miel était un des rares apports en sucre. Au cours du XIXe siècle, l’usine Bonfils à Brignoles (aujourd’hui disparue), fabriquait des cierges et des chandelles. Cette pratique remonte au MoyenÂge, mais c’est surtout à cette époque que l’on arrivait à la conserver au mieux. Les habitants s’en servaient de revenus complément­aires .»

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(Photos Hélène Dos Santos) Plusieurs apiés sont encore visibles. Certains sont entourés de murs pour protéger les ruches.
 ?? (Photos Hélène Dos Santos) ?? À Correns, sur le chemin de l’écluse, une associatio­n maintient en état des outils qui servaient jadis à exploiter les ressources naturelles que l’on trouve dans les collines. De gauche à droite : une charbonniè­re, un extracteur d’huile de cade, ainsi qu’un four à chaux.
(Photos Hélène Dos Santos) À Correns, sur le chemin de l’écluse, une associatio­n maintient en état des outils qui servaient jadis à exploiter les ressources naturelles que l’on trouve dans les collines. De gauche à droite : une charbonniè­re, un extracteur d’huile de cade, ainsi qu’un four à chaux.
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