Var-Matin (Grand Toulon)

Soupçonnés de viols et tortures en famille

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● Un père de famille cannois divorcé originaire de Carqueiran­ne et son propre père de 80 ans ont été mis en examen, à Grasse, pour « viol incestueux sur mineur de moins de 15 ans » et « torture et acte de barbarie sur mineur de moins de quinze ans par un ascendant ».

● Les victimes présumées : les trois enfants et petits-enfants, deux garçons et une fille qui ont entre 8 et 11 ans.

● C’est la mère de famille qui a donné l’alerte.

● Une affaire qui aurait des ramificati­ons jusqu’en Italie.

Un Cannois, originaire de Carqueiran­ne a-t-il commis ou non les atrocités dont il est soupçonné ? Certes présumés, l’énoncé des faits qui lui sont reprochés glace le sang. Le  décembre dernier, Serge, ce père divorcé de  ans, a été mis en examen par le juge Charlotte Gardé pour « viol incestueux sur mineur de moins de  ans » ainsi que « torture et acte de barbarie sur mineur de moins de quinze ans par un ascendant ». Dans la foulée, début janvier , Mario,  ans, le grand-père paternel, domicilié lui dans le Var, est également mis en examen pour des faits similaires. Compte tenu de son état de santé, il est, lui, placé sous contrôle judiciaire strict. Les victimes présumées ? Ce sont les trois enfants et petits-enfants de Serge et Mario. Deux garçons et une fille qui ont entre  et  ans. Leur père est incarcéré depuis neuf mois à la prison de Grasse (AlpesMarit­imes). Mais l’enquête est loin d’être close. La fratrie affirme avoir été la proie de plusieurs membres de la famille à Cannes et dans la Var. Elle évoque aussi des « hommes masqués » lors de leurs vacances dans un petit hameau de la région de Cuneo. Plusieurs commission­s rogatoires ont ainsi été délivrées, en France et en Italie.

Dans un souci de protection des mineurs, les noms des protagonis­tes de ce dossier ont été modifiés. Ce sont Antoine, 10 ans, Julien, 9 ans et Elisa, bientôt 8 ans qui, à l’automne 2019, se sont spontanéme­nt confiés à une éducatrice chargée d’une mesure d’assistance qui courait depuis un an. Un an plus tôt en effet, Antoine, Julien et Elisa s’étaient plaints auprès de leur maman, Nadia, 37 ans, du comporteme­nt de leur père. Nul soupçon alors de sévices sexuels. Les trois enfants évoquent des fessées trop appuyées et très régulières à leur goût, bien qu’ils ne voient plus leur père qu’un week-end sur deux. Elisa, la benjamine, reproche à son père de « l’obliger à prendre la douche avec lui et de la frotter trop

fort ». Et surtout, les trois parlent de brimades, notamment d’un jour où leur père les aurait abandonnés sur une aire d’autoroute entre Cannes et Toulon, les laissant seuls pendant une demi-heure pour les punir d’avoir chahuté à l’arrière de la voiture. Nadia a refait sa vie. Se consacrant tout entier à son travail, Serge est célibatair­e. Bien que divorcé depuis 2015, le couple s’entend bien. « On en parle donc assez librement. Il me dit alors que tout cela est très exagéré. Que fessées il y a sans doute eues, mais qu’il va s’amender. Il me jure aussi qu’il laissera désormais la petite se doucher toute seule. Je me dis que les petits vivent peut-être mal le contraste entre mon éducation et celle plus stricte de Serge. Je fais certes un signalemen­t, mais à ce moment-là j’ai toute confiance en lui », raconte

Nadia

Les dessins du carnet secret

Aujourd’hui sous le choc, Nadia confesse avoir toujours poussé « les petits » à garder le contact avec leur père. « Ils faisaient souvent des caprices terribles pour aller chez lui. Jusqu’en 2018, j’ai toujours tenu bon. Je leur disais qu’on n’était plus amoureux, mais qu’on était de très bons amis. Et avec du recul, je m’en veux terribleme­nt. »

Car c’est ce signalemen­t qui conduit les trois enfants à être suivis par une éducatrice de Grasse. Et c’est elle qui, un an plus tard, le 30 octobre 2019, recevra la terrible confession de Julien. Il a alors 10 ans. Il est le cadet. Il demande à pouvoir lui parler seul, hors la présence de sa maman. En fait de longs discours, il se serait alors contenté de lui tendre un carnet secret, lui demandant de le lire... mais surtout pas à haute voix. Dans ce cahier, d’une écriture fébrile, il raconte les sévices présumés que son père lui ferait subir depuis 2015. Détail glaçant, il illustre son témoignage de dessins censés représente­r son calvaire présumé. Tout bascule alors. L’éducatrice transmet immédiatem­ent ces « informatio­ns préoccupan­tes

» au juge pour enfants. Cette fois, Nadia, la mère, porte plainte sur les conseils de son avocat, Me Badenes.

Des hommes masqués ?

Interrogés par les gendarmes de Mandelieu quelques semaines plus tard, Antoine, Julien et Elisa confirment séparément le témoignage initial de Julien. Ils l’agrémenten­t d’autres faits présumés. Ciblant plusieurs personnes de l’entourage familial de leur père dont ils disent avoir été victimes. Évoquant des soirées dans un bois en Italie avec «un

homme masqué » : quand Serge, pour raison profession­nelle, ne pouvait les garder pendant les vacances scolaires, c’est dans un petit hameau du Piémont que les trois enfants étaient régulièrem­ent confiés à leurs grands-parents ou à leurs oncles et grands-oncles. Ils racontent notamment que Mario, leur grand-père, leur aurait fait subir les mêmes abus supposés que leur père : des faits de viols répétés - pénétratio­n digitale et buccale - mais aussi de pratiques scatologiq­ues, scatophagi­es et urologique­s (1) sous contrainte. Et sous la menace de mort en cas de divulgatio­n de ces atrocités présumées. La suite de l’enquête est une succession d’expertises psychiatri­ques afin de déterminer le degré de crédibilit­é de la parole des enfants, d’écarter les risques de phénomène « récitatoir­e » pouvant laisser supposer que leurs confession­s seraient orientées, voire suscités par un tiers. Mais aussi d’auditions des parents et des proches du père. Selon les enfants, les faits se seraient déroulés entre 2015 et fin 2018 dans le studio de Cannes qui est la résidence principale de leur père. Dans la villa des grands-parents à Carqueiran­ne. Et en Italie dans un petit hameau du Piémont. Plusieurs commission­s rogatoires ont été lancées.

Hallucinat­ions et régression infantile

Neuf mois après son incarcérat­ion, Serge, le père, clame son innocence (lire

par ailleurs). S’il vient de perdre par décision de justice son autorité parentale, il conserve l’espoir de retrouver ses enfants. Le mot « machinatio­n » n’est jamais prononcé, mais ses proches ne sont pas loin d’en être convaincu. Confiées à la garde exclusive de leur maman, les trois victimes présumées souffrent, elles, des troubles psychologi­ques graves - peur panique, hallucinat­ion et régression infantile qui se manifestan­t par des problèmes récurrents d’incontinen­ce. Fin juillet, la toute première confrontat­ion d’Antoine, Julien et Elisa avec leur père à sa demande aurait été pour eux une souffrance. L’issue de ce premier crucial face-à-face n’a pas filtré.

1. La coprophagi­e (ou scatophagi­e) consiste à consommer des matières fécales.

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(Photo DR) Nadia, la mère de famille divorcée, a fait un signalemen­t après que ses enfants se sont plaints du comporteme­nt de leur père, son ex-mari.
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