Var-Matin (Grand Toulon)

Roquebrune-Cap-Martin de bas en haut

Agréable escapade entre un village dominé par un château du Xe siècle et un sublime sentier littoral où se cachent quelques perles moderniste­s signées Eileen Gray et Le Corbusier.

- TEXTES JIMMY BOURSICOT PHOTOS J. B. ET J.-F. O.

La Principaut­é de Monaco d’un côté, Menton de l’autre. Coincée entre ces deux prestigieu­x voisins, Roquebrune-Cap-Martin pourrait être oubliée par des vacanciers un peu trop pressés. On leur conseille de ralentir la cadence et de profiter d’une journée complète pour découvrir les joyaux de cette commune de 12 000 habitants. En commençant par arpenter les bords de la Grande Bleue, avant de prendre de la hauteur, en direction du vieux-village. En version « lâcher-prise », la balade autour du cap Martin pourra démarrer par une session de bronzage matinale sur la plage du Buse. Ensuite ? Rien de très compliqué, rassurez-vous. Long de 4,6 kilomètres, le parcours compte très peu de relief et s’avale en un peu moins de deux heures. Et comme il s’étire entre deux gares, il ne vous faudra que trois minutes sur les rails, depuis Carnolès, pour revenir à la case départ.

Remarquabl­es bâtisses

Un effort modeste, donc, mais largement récompensé. Sur cette côte autrefois sauvage, on observe une végétation luxuriante, composée d’espèces endémiques et de plantes exotiques importées à la fin du XIXe siècle, lorsque ce petit coin de paradis a commencé à accueillir de somptueuse­s demeures. En étant attentifs durant cette promenade, vous distinguer­ez sans mal ces vestiges Belle-Époque. Dans un style gothique vénéto-byzantin, la villa Torre Clementina vous tapera dans l’oeil. Tout comme la villa Cyrnos, occupée par l’impératric­e Eugénie, l’épouse de Napoléon III. Ou encore l’imposante Casa del Mare, bordées de pelouses accueillan­t palmiers, ficus et strelitzia­s. Mais sur ce sentier des douaniers, où file la promenade Le Corbusier, c’est une « moderne », la villa E-1027 d’Eileen Gray, qui lui vole régulièrem­ent la vedette, tout comme le cabanon et les unités de camping signés Le Corbusier (lire ci-contre). Lorsque le buste représenta­nt l’illustre architecte se présentera sur votre chemin, vous serez presque au bout du tracé. Le long de l’avenue Winston-Churchill, des restaurant­s de plage vous attendent. Libre à vous d’y faire un saut, ou bien de revenir vers la gare de Roquebrune-Cap-Martin, puis d’aller découvrir le coeur du vieux-village.

Les trois étables de Romain Gary

Bien que cela soit possible, il est sans doute plus judicieux de s’épargner cette ascension à pied en ce chaud été. Sans voiture, les lignes de bus 21-22 et 24 vous y mèneront. Après la marche du matin, on s’offre volontiers une halte sur la place des Deux-Frères. Là encore, on en prend plein la vue... Dans les ruelles de ce village, creusées dans la roche, on flâne paisibleme­nt, sans but précis. Puis on tombe sur un olivier millénaire. L’arbre le plus vieux de France, selon certaines sources, aurait plus de deux mille ans, si l’on en croit les dires du professeur Robert Bourdu, spécialist­e en la matière. Au sommet du village, on trouve le château Grimaldi, érigé par le comte de Vintimille, Conrad Ier, à la fin du Xe siècle afin de barrer la route aux Sarrasins. Appelé « château

» à partir du XVIe siècle, cet ouvrage, était en réalité un donjon, relié à une forteresse. Après avoir appartenu à cinq Roquebruno­is, puis à William Ingram, un riche Anglais, le monument, visitable, appartient à la commune depuis près de cent ans. Sur le chemin de la descente, après une halte devant l’église Sainte-Marguerite et sa façade aux tons chauds, on est intrigué par un panonceau installé au début de l’impasse Scarouget. Il indique que l’écrivain Romain Gary y a vécu à partir de l’été 1949, avec sa première épouse, la journalist­e anglaise

Lesley Blanch. Le couple avait transformé trois étables en havre de paix, prolongépa­r une tonnelle de jasmin. « Sur mon petit balcon, face à la Méditerran­ée tranquille, dans la douceur d’un climat merveilleu­x, j’écrivais toute la journée, me délassant parfois par des plongeons rapides dans la mer bleue », racontait à Paris-Match le seul auteur à avoir obtenu deux fois le Prix Goncourt, sous son nom, en 1956 pour Les Racines du ciel, puis sous le pseudonyme Émile Ajar, en 1975 pour La Vie devant soi.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France