Var-Matin (Grand Toulon)

« Les favoris seront là ! »

Troisième du Tour de France 1987 et consultant pour Radio France sur la grande boucle, Jean-François Bernard s’attend à une édition 2020 forcément différente

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHIEU FAURE

C’est en tant que consultant sur Radio France que JeanFranço­is Bernard va parcourir les routes de France jusqu’au 20 septembre. Logique car « Jeff » connaît le Tour de France comme sa poche. Troisième de l’édition 1987, le natif de Luzy (Nièvre) va ensuite emmener Miguel Indurain au bout avec la Banesto entre 1991 et 1994 tout en assurant sa place au Général (14e en 1991, 17e en 1994). Spécialist­e du contre-lamontre, « Jeff » reste aussi le brillant vainqueur de Paris-Nice 1992. La capitale azuréenne est donc un bon souvenir pour l’ancien coureur. Avec sagesse et recul, l’ancien prodige du cyclisme français dans les années 80 se livre sur le Tour 2020. « Un Tour singulier quoi qu’il arrive » annonce-t-il d’entrée.

Le changement des dates du Tour a-t-il rebattu les cartes ? Le Tour sera différent, c’est une évidence, mais les favoris seront là. Je ne sais pas si on va réellement assister à une surprise finale. Ça reste du sport mais de là à voir en jaune un inconnu que personne n’a vu venir à Paris... je n’y crois pas. J’espère ne pas me tromper pour autant (rires).

Le confinemen­t n’aura aucune incidence sur l’état de forme des coureurs ? Aujourd’hui, avec les homes trainers, vous pouvez conserver une bonne dynamique physique en étant confiné. De notre époque, c’était impossible, on aurait explosé rapidement (rires). Là, avec les analyses de données, on se rend compte que les coureurs ont moins de jours de courses mais ils n’ont pas été inactifs. La grosse différence, au fond, c’est de courir le Tour en août et septembre où les repères sont moins importants.

Est-ce l’année pour une victoire tricolore ? On a des coureurs capables de jouer un rôle majeur sur le Tour mais l’emporter... Il y a bien Thibaut Pinot, qui est bien entouré à la FDJ, mais il est tombé sur une génération incroyable. Quand Froome semble moins bien, il y a Bernal qui arrive. Il n’a que  ans et il ne va pas en gagner qu’un. Après il faut toujours se méfier car quand Ullrich gagne son premier Tour à  ans, on l’imagine en prendre  ou  et puis il y a l’ère Amrstrong derrière et il n’en gagnera jamais d’autres... Malgré tout Pinot me semble être le Français le mieux armé pour lutter jusqu’au bout. Bardet, par exemple, sort de deux années plus compliquée­s et il va surtout miser sur les victoires d’étapes.

Les équipes françaises sont-elles armées pour lutter contre des machines comme INEOS ? Je pense, la FDJ est armée, Arkea s’est bien renforcée avec Nairo Quintana. Maintenant il faut aussi avoir un peu de chance et ne pas avoir de défaillanc­e.

Le Tour c’est comme un repas, pour voir le dessert, il ne faut pas se jeter sur l’entrée... ”

INEOS aurait pu se présenter au Tour avec Bernal, Froome et Thomas, était-il possible de faire cohabiter trois anciens vainqueurs ? Trois, c’est rare. Quand j’étais à la Banesto, on avait Pedro Delgado et Miguel Indurain, donc deux leaders c’est possible. Trois, c’est réalisable à condition que tout soit arrêté avant. Froome en a gagné quatre, il a le plus d’expérience mais Bernal semble meilleur en ce moment. Il faut une hiérarchie établie avant la course et le choix de ne pas emmener Froome et Thomas sur le Tour permet d’éviter le flou.

Que vous inspire le tracé de ce Tour ? C’est dur d’entrée. La première étape démarre fort, la deuxième monte vite en altitude, ça ne sera pas simple. Surtout quand on se penche sur la suite du parcours, c’est un Tour qui peut faire des dégâts d’autant que la Grande boucle est souvent nerveuse d’entrée. Les coureurs n’auront qu’un mois de compétitio­n dans les jambes au grand départ de Nice, c’est court mais ça peut permettre à certains d’être déjà d’attaque. Mais un Tour, c’est comme un repas, si tu pars trop fort et que tu te gaves à l’entrée, tu es déjà ballonné au plat principal et tu ne vois pas le dessert (rires). L’idée, c’est de savoir se gérer.

Est-ce que les coureurs avec plus d’expérience seront avantagés ? C’est possible. En tout cas, il faut bien se connaître. Sans oublier les conditions particuliè­res liées à la période avec sans doute moins de chaleur, peut-être plus de vent, bref, ce Tour sera inédit quoi qu’il arrive.

Quid de l’inconnu du public... Un Tour de France à huis clos, ça n’existe pas. Alors oui, il y aura sans doute moins de vacanciers, moins d’étrangers mais ça reste le Tour. J’ai déjà connu les grands cols avec moins de monde sur le Dauphiné, mais une ascension majeure du Tour sans personne, ça n’existe pas. Ça fait partie de l’adrénaline de l’épreuve. On a aucune visibilité sur les conditions sanitaires car tout change très vite d’un jour à l’autre mais les villes étapes, le Tour, le monde du vélo a besoin de reprendre vie économique­ment.

Mais aussi moralement.

Le vainqueur du Tour  sera-t-il déprécié en raison du Covid- ? Toutes les épreuves cyclistes de l’année seront logées à la même enseigne, on rappellera toujours le contexte du Coronaviru­s mais je ne pense pas, pour autant, que l’on verra arriver des vainqueurs surprises. Je peux me tromper mais le vainqueur du Tour devrait être l’un des favoris au départ. La seule chose différente sur cette saison, c’est sa durée. Là, on va tout concentrer entre août et novembre, dans un ordre forcément différent notamment pour les Classiques qui n’ont pas eu lieu en avril. Pour la première fois, les coureurs ne vont connaître qu’un seul pic de forme car il va être difficile de se gérer sur une durée si courte avec autant d’épreuves. Du coup, la saison sera inédite et intense car tout a été chamboulé. Mais ça va être très agréable à suivre. On attend que ça.

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(Photo AFP et Christophe Abramowitz/Radui France) , Jean-François Bernard voyait la vie en Jaune sur le Tour de France.

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