Var-Matin (Grand Toulon)

On ressent la musique ensemble, de la même façon”

- PAR CHRISTIAN HUAULT chuault@nicematin.fr

Visiblemen­t, ces deux-là adorent se retrouver. Renaud Capuçon/Lionel Bringuier, un duo de stars complice pour une affiche de luxe à l’Opéra de Nice le soir du départ du Tour de France avec Beethoven et Mendelssoh­n au programme. Juste après une répétition magistrale avec l’Orchestre Philharmon­ique de Nice, ils ont évoqué leur bonheur de jouer ensemble et de partager leur passion avec le public après des mois d’abstinence forcée...

Heureux de partager la scène et de retrouver le public ? Renaud Capuçon : Lionel est un pote depuis toujours, c’est un plaisir de le retrouver, d’être avec cet orchestre que je n’ai pas revu depuis plus de  ans, et que je trouve en très grande forme. D’ailleurs, depuis la sortie du confinemen­t, on sent une intensité de jeu, une envie aussi du public qui est formidable car on vit un peu au jour le jour... Lionel Bringuier : Moi, il y a une phrase que j’adore, c’est : “Fais ce concert comme si c’était le dernier.” Depuis nos  ans et toute notre vie, on a toujours joué de la musique, alors devoir poser instrument­s et partitions et perdre le contact avec le public a été un vrai crève-coeur.

Pas de grands musiciens ni de grands concerts sans public ? R. C. : La musique est faite pour être partagée. L’échange est partout, au sein de l’orchestre et avec le public.

La musique adoucit les moeurs dit-on souvent : en ces temps troublés, c’est plus que jamais une réalité ? R. C. : Totalement, mais plus que la seule musique, c’est la culture en général qui s’est avérée être une nourriture aussi importante que ce que l’on mangeait... Il y a eu pendant le confinemen­t une ruée sur la musique, les livres, les spectacles en général, de manière digitale bien sûr, qui nous a montré combien la culture était indispensa­ble à nos vies. J’ai joué  jours de suite depuis chez moi en diffusant des vidéos, et c’était un peu comme si on tombait à l’eau et qu’on s’accrochait au bastingage. Je me suis accroché à ça tous les jours à  heures pour commencer ma journée et avoir un semblant de normalité. L. B. : Moi, je suivais assidûment tes vidéos et c’était un bonheur de t’écouter. Tu nous donnais de l’énergie, et notamment au personnel soignant. Ma compagne est dans le milieu médical et toutes ces initiative­s les ont beaucoup touchés... J’en profite aussi pour saluer tout ce qu’ont fait les musiciens du Philharmon­ique de Nice pendant et après le confinemen­t pour garder le lien avec le public et soutenir les soignants.

Lionel vous êtes le chef associé de cet orchestre niçois depuis . Inviter Renaud à se joindre à vous pour ce concert, une évidence ? Oui et avant tout au nom de l’amitié, mais aussi parce que j’admire Renaud depuis toujours. Et puis on a eu tellement de partages musicaux, un disque, de multiples concerts avec quelques-uns des plus grands orchestres mondiaux, comme ceux de Philadelph­ie, Los Angeles, Munich, celui de la Tonhalle de Zürich... Dès que j’ai le choix du soliste, Renaud est pour moi une évidence.

Quelles qualités vous prêtez-vous mutuelleme­nt ? R. C. : J’ai connu Lionel très jeune, j’ai connu ses premiers pas, son envol à la tête de l’orchestre de Los Angeles. Pour moi, c’est comme un partenaire de musique de chambre, comme si en tant que soliste j’enfilais des pantoufles confortabl­es. L. B. : Ah bon, je suis ta pantoufle ? (rires) R. C. : C’est une image, mais cette confiance mutuelle nous donne un confort qui nous autorise à prendre des risques. L. B. : J’ai l’impression que l’on ressent la musique ensemble, de la même façon, quel que soit le concerto que l’on joue. R. C. : Tu as raison, c’est organique. Mais j’insiste, la confiance vient de l’amitié, je ne pourrais pas jouer avec quelqu’un avec qui je ne m’entendrais pas. Où alors, il n’y aurait pas de deuxième fois... La complicité chef-soliste est essentiell­e.

Vous avez joué samedi soir le concerto de Beethoven pour violon et orchestre, une oeuvre puissante qui vous est chère ? R. C. : C’est le roi des concertos. Le plus pur, le plus noble. On ne peut pas tricher. On est à découvert de la première à la dernière note. C’est un peu comme danser sur un fil. L. B. : Tu as raison, le violoniste est à nu sur cette oeuvre et en même temps il y a aussi des côtés très symphoniqu­es, très dansants qui offrent la pleine puissance de l’orchestre. Cette alchimie est formidable.

Vous êtes tous les deux des jeunes musiciens en âge, y a-t-il une manière « jeune » de jouer du Beethov ? R. C. : Sa musique était jeune, insolente, pleine de tempéramen­t. Et du coup, elle peut-être renouvelée en permanence.

Lionel, pourquoi ce retour à Nice après votre exil doré à Los Angeles ? Après  ans aux États-Unis, ma famille me manquait. Je savais que j’aurai une vie de voyageur. Mais j’avais le choix de ma base. Cela aurait pu être Paris. Avec Nice, j’ai fait le choix du coeur. J’y ai rencontré ma compagne, je vais être papa dans un mois et j’ai connu un véritable coup de foudre avec le Philharmon­ique de Nice. Mon but est que l’on parle de cet orchestre. Et les éloges de Renaud à son égard me rendent fier.

Newspapers in French

Newspapers from France