Var-Matin (Grand Toulon)

Je ne fais que partager mes sensations, mes émotions”

- B. M.

Fort d’une cinquantai­ne d’années de carrière, l’humoriste Michel Boujenah revient sur scène avec son spectacle Ma vie encore plus rêvée à Pugetsur-Argens. Un retour mêlé d’impatience et de stress pour celui qui avoue être aujourd’hui « comme un cabri qu’on a enfermé pendant des semaines ». L’acteur-réalisateu­r, qui est aussi directeur artistique du festival de Ramatuelle depuis le décès de son fondateur Jean-Claude Brialy en 2007, estime que « la culture est d’autant plus nécessaire dans ces périodes troublées ».

Vous n’étiez plus monté sur scène depuis le  mars dernier. Dans quel état d’esprit êtes-vous ? Comme la plupart d’entre nous, j’ai vécu cette période avec beaucoup d’angoisse. J’ai moi-même été malade, atteint par la Covid, et je peux vous dire que j’ai dégusté. Je suis resté allongé durant trois semaines, avec la peur de devoir être hospitalis­é. Par chance, cela n’a pas été le cas, mais tout cela est extrêmemen­t anxiogène. La seule bonne nouvelle dans tout ça, c’est que j’ai maigri ! Mais maintenant, il est urgent que nous retrouvion­s tous le chemin de la vie et des émotions. J’en ai marre que l’on nous parle encore toute la journée de la mort. Nous avons tous besoin de culture. Elle nous communique de la joie et du bonheur. Aller au spectacle avec un masque, en toute sécurité, ça n’empêche absolument pas de s’amuser, de rire, de pleurer. Parce que finalement, cette période n’est pas terminée et nous ne savons pas où nous allons, économique­ment, écologique­ment, socialemen­t... Combien d’enfants vont naître ? Combien de couples se sont séparés ? La situation est tellement fragile que nous ne pouvons pas prendre la mesure de ce qu’il va se passer. Il faut rire ensemble et de tout, sinon on est foutu !

Y a-t-il eu des moments qui vous ont malgré tout fait rire durant cette période ? Ce sont les multiples partages de vidéos du quotidien sur les réseaux sociaux, d’amateurs comme de profession­nels, particuliè­rement Elsa Zylberstei­n, et sa mytho confinée, et Benjamin Biolay. J’ai aussi adoré un type formidable face caméra qui disait : ‘‘Chez nous, tout va bien !’’ Tout était impeccable­ment rangé mais lorsque la porte du placard s’est doucement ouverte, on voyait apparaître les enfants qui étaient attachés dedans. Ou encore la vidéo d’un couple dans un lit où l’homme dit : ‘‘Ma chérie, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle : je te quitte’’. Et la femme rétorque : ‘‘c’est quoi la mauvaise nouvelle ?’’ Pour moi, en revanche, cela n’a pas du tout été propice à la création.

Votre spectacle est en constante évolution. Que vous a inspiré la période Covid ? Comme Proust qui n’a écrit finalement qu’un livre avec À la recherche du temps perdu, malgré ses différents volumes, moi je fais toujours le même spectacle. Un spectacle, c’est comme lorsqu’on pratique beaucoup un sport : on progresse, on dépasse ses propres limites. Ce spectacle, je l’adore, et je vais encore le faire durer dès février prochain avec sa suite Dans tous les sens. Bien sûr, cette période tellement singulière m’inspire avec tout ce qui s’est passé. Je ne fais que partager mes sensations, mes émotions, ce qui me touche. Toutes les choses drôles que j’ai pu voir par exemple... C’est un spectacle avec beaucoup d’improvisat­ion, comme toujours, donc je vais voir en fonction des soirs ce que la Covid m’inspire...

Après « Ma vie rêvée », vous présentez « Ma vie encore plus rêvée ». Pourquoi ce ‘‘encore plus’’ ? Après deux ou trois ans de représenta­tions, ce n’était plus du tout le même spectacle. J’adore le jouer, il a quelque chose de magique à mes yeux. Il est fort, agréable, il parle de l’enfance, de politique, du monde d’aujourd’hui, d’amour. Après tout, c’est un truc indispensa­ble, l’amour ! Il existe deux types d’auteurs, les protéiform­es, qui peuvent écrire sur tout, dans tous les sens, et les auteurs qui travaillen­t toujours sur le même thème, et c’est mon cas. Je suis à la recherche du temps perdu. Si mes personnage­s et mes thèmes reviennent au fil du temps, mon travail mûrit de plus en plus. Par exemple, la mère avec ses angoisses et ses peurs. C’est la première fois que j’ai imaginé qu’elle aurait pu me mentir. En fait, elle n’était pas inquiète, mais faisait semblant pour que l’on dise qu’elle était une bonne mère. Cette version m’a permis d’aller plus au fond de mon rire et de mon émotion.

Que racontez-vous dans ce dernier spectacle ? Il parle de l’exil et de l’enfance. On est tous des exilés de notre enfance. Quand on arrive à recoller les morceaux, on se reconstrui­t un peu. Je l’ai laissé au bord de la Méditerran­ée mais je vais le chercher, même si c’est difficile. Je parle aussi de la mort, des seins des femmes – ils sont très importants pour moi ! –, des femmes, de l’assimilati­on et de l’intégratio­n. Tout cela, ces thèmes qui me touchent, je les exprime au travers du monde d’aujourd’hui. Au fond, ce qui ressemble aux autres spectacles, c’est ma langue, ma grammaire, mon affect.

de Michel Boujenah. Samedi 26 septembre. Espace culturel Victor-Hugo, Sanary-sur-Mer. Tarifs : 30 réduit : 25 Billetteri­e : office de tourisme de Puget, rue Daniel-Isnard, Cultura et Carrefour spectacle ou sur espacecult­urelvictor­hugo.billetteri­e. webgazelle.net Rens. 04.94.19.61.35.

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