Var-Matin (Grand Toulon)

LE TRAIT ET LA LIGNE

Il est architecte, dessinateu­r, auteur, musicien, passionné de deltaplane et autres parapentes. Il a mille vies en une. Et du talent, que l’on reconnaît à Nice, en France et dans le monde.

- GAELLE BELDA gbelda@nicematin.fr

Le soir et le week-end, il dessine pour le plaisir. Il est sur un projet de bande dessinée. Il ne sait pas bien ce qu’il va pouvoir en faire, comment il va structurer les choses et pour qui. Pour l’heure, il laisse son imaginatio­n guider sa main. Ouvert à toutes

les options de récit possibles. « Peut-être que si j’avais évolué plus longtemps dans un milieu parisien j’aurais été auteur de

BD... », laisse-t-il tomber, rêveur. Il aurait tout aussi bien pu développer sa fibre musicale, d’ailleurs. Tout en bas, dans une grande pièce de sa maison niçoise, il a ses guitares et son piano. Il adore. C’est son antre, pas tout à fait son jardin secret, juste une autre facette de sa personnali­té. Il est architecte. De père en fils, certes. Mais viscéralem­ent quand même. Ce n’est pas parce qu’on tombe dedans tout petit qu’on en fait forcément son projet d’avenir. Il y a le désir. Et puis il y a le talent.

Du bois, du noir, de l’art

Rapidement, on a senti que Luc Svetchine ne marcherait pas dans l’ombre d’André – ou Andréï, né à Saint-Pétersbour­g en 1912 et décédé en 1996 à Nice. Fraîchemen­t diplômé, on lui confie le parfait chantier : une villa à Saint-JeanCap-Ferrat et un client qui lui donne carte blanche. Ou presque. Il faut que ce soit hyperconte­mporain. C’est justement le credo de Luc Svetchine. Il en fera une merveille en ocre et en lignes pures. En belles ouvertures et dans un profond respect de la nature.

Dans la villa qui surplombe Nice, l’église russe, le Parc Impérial et la baie des Anges, il a toujours, au mur, des images de son premier ouvrage. Ça compte. C’est ici qu’il vit et qu’il travaille. Dans la maison familiale. Il y a ses bureaux, sa petite équipe et ses espaces privés. On y découvre surtout un condensé des inspiratio­ns de son père et des siennes. Complèteme­nt réhabilité par ses soins, le repère d’archis a conservé sa décoration années 50 (nos photos, ci-contre) – meubles dessinés par le paternel, ou rééditions de pièces griffées du finlandais Alvar Aalto, cuisine en formica, céramique rose, bleue, etc. – mais elle a gagné en modernité aussi. Luc Svetchine a posé son bureau dans une alcôve de verre. En haut des escaliers, les pièces de vie sont dissimulée­s derrière des façades en miroir sans tain habillées de métal de façon très graphique. Le noir domine du côté de sa chambre, de son dressing, de sa salle de bains. Du noir et de l’épure. Des lignes claires, pas de fioriture. Un autre univers. Le chêne reste le conducteur de cette histoire. De la porte d’entrée, qui donne sur le cabinet d’architectu­re à la tête de lit de Luc Svetchine, en passant par les escaliers – surplombés d’un vitrail offert par Nadia Léger. Il faut un fil rouge. Un point de départ. Le Niçois déroule d’immenses feuilles de papier-calque. « Pendant le confinemen­t, j’ai travaillé sur un projet de 3000 mètres carrés en Arabie Saoudite. Je suis parti d’une oasis, du trajet de l’eau. »

Sous ses doigts défile un paysage entièremen­t dessiné à la main et aquarellé. « Je ne travaille que de cette façon. Les architecte­s de mon cabinet se chargent de réaliser des documents techniques informatis­és sur cette base. »

Le souci du détail

Pour cet ouvrage assez extraordin­aire dans le désert, il avance en collaborat­ion avec l’architecte paysagiste Jean

Mus. « J’aime travailler avec lui et parfois aussi avec le décorateur Axel Vervoordt. » Quand il ne prend pas les choses

en main du début à la fin. « Jusqu’au choix de la petite plante... Parfois ce sont les détails qui viennent tout perturber quand ils ne sont pas à leur place. » Il sourit. Il revient à ses plans. « Même mon père n’a pas eu ce genre de sollicitat­ion. J’ai aussi eu une demande pour

2000 m2 en Grèce... » Ses yeux brillent.

Il intervient au Grand Hôtel du Cap à Saint-Jean, à l’Eden Roc d’Antibes, au Château Saint-Martin à Vence et dans des villas de particulie­rs entre la France et l’étranger. Il est simplement heureux. Et il est humble. Toujours. Il tient à ce que son cabinet reste à taille humaine, même si ses travaux le sont de moins en moins. Ce n’est pas pour rien. Pas de folie des grandeurs de ce côté-ci. Les yeux tournés vers le quartier russe où André Svetchine avait décidé de s’établir, Luc sait que son coeur a simplement besoin de la beauté pure de nos paysages azuréens.

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(Photos Franz Chavaroche) Luc Svetchine devant sa villa niçoise, à deux pas de l’église russe.
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