Des larmes aux leçons
Il a tiré des larmes à beaucoup d’entre nous. L’hommage d’Emmanuel Macron à Samuel Paty fut beau à pleurer. Tout y était, dans un souffle meurtri mais déterminé qui transpirait la France. Celle du général de Gaulle comme de Jean Ferrat : généreuse, fière d’elle-même et plus que jamais à cheval sur son idéal républicain piétiné. Cet idéal, les maîtres en sont les premiers dépositaires. Les hussards noirs de la IIIe République comme les instits de notre enfance étaient animés d’un esprit missionnaire au service des valeurs citoyennes et du sens critique. Les profs d’aujourd’hui le sont également. Mais inutile de se mentir, ils ne sont plus en position de force. Au détour d’une phrase, le chef de l’État l’a concédé implicitement mercredi soir : « Dans chaque école, dans chaque collège, dans chaque lycée, nous REDONNERONS aux professeurs le pouvoir de faire des républicains, la place et l’autorité qui leur reviennent. » Cruel aveu que l’École n’est plus ce qu’elle était, ballottée par tous les vents contestataires. Le poison de la radicalisation n’est pas le seul à tarauder l’Éducation nationale. Celle-ci a elle-même sapé son influence depuis des décennies. Ce ne sont pas tant certaines méthodes pédagogiques, ni même l’association des parents au parcours scolaire, qui sont en cause. Plutôt une perte généralisée d’autorité qui a conduit à une baisse de l’exigence voire, dans certains cas, à une démission désabusée face à trop d’impuissance. La politique de restauration des fondamentaux de Jean-Michel Blanquer n’a pas encore porté ses fruits. Une claque : 20 % des élèves sortant de troisième ne maîtrisent pas la lecture et l’écriture. Funeste tableau. Notre système éducatif continue à reproduire les inégalités et la crise sanitaire n’a rien arrangé, en pénalisant un peu plus les moins aidés. La population scolaire se répartit, désormais, en trois catégories : les élèves auxquels leur famille peut offrir des cours privés ; ceux qui, à défaut de moyens, bénéficient de l’implication de leurs parents ; et ceux qui, livrés à eux-mêmes, ne peuvent compter que sur l’abnégation de profs qui s’épuisent à remettre de l’ordre en classe, avant même de songer à enseigner.
À l’image de la société, l’École est souvent gâtée par un déficit de poigne. Et elle ne pourra bonifier ses contenus sans sévir au préalable, dans l’intérêt même des trublions. La fermeté, seule, permettra de rétablir la lumière à tous les étages d’une République humaniste et sûre de son fait.
« Notre système éducatif continue à reproduire les inégalités. »