Var-Matin (Grand Toulon)

François Morel

- LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Il n’y a pas de hasards, il n’y a que des rendez-vous, affirmait Paul Eluard... C’est en flânant dans un vide-grenier à Saint-Lunaire (Ile-et-Vilaine) que François Morel découvrit une brochure datant de 1894, La Cancalaise, dans laquelle douze chansons d’un dénommé Yves-Marie Le Guilvinec, poète disparu en mer à 30 ans, étaient reproduite­s et illustrées par l’auteur. C’est ainsi que François Morel acheta la revue et fit le serment d’arracher Le Guilvinec de l’oubli océanique dans lequel il était tombé... Pour notre plus grand bonheur puisque de cette belle histoire, un livre et un disque, Tous les marins sont des chanteurs, sont nés ! Et un spectacle devrait également voir le jour en janvier et février 2021 à la Scala à Paris.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez exhumé cette pépite signée Jean-Marie Le Guilvinec ? Quand j’ai vu ce recueil de chansons intitulé La Cancalaise, cela a ravivé chez moi le souvenir d’un grand-oncle Octave, qui chantait régulièrem­ent cette chanson à la fin d’un repas quand il y avait un mariage ou une communion. C’est ainsi qu’est née chez moi l’envie de redonner vie à ces partitions, qui étaient en piteux état, avec l’aide d’Antoine Salher. Quant à mon autre vieux complice Gérard Mordillat, il a fait des recherches de son côté sur la vie de Le Guilvinec. Avec l’aide de

Patrick Pelloux sur l’aspect scientifiq­ue de sa mort.

Gérard Mordillat s’est livré par la même occasion à une étude de la dure condition de vie des marins pêcheurs à l’époque ? Oui, et il y a plein de choses de la vie de tout le monde qui sont racontées à travers ces vies-là, mais en plus fort. On redécouvre les chansons qu’on chantait sur les ports à Brest les veilles de départs ou de retours, c’était des moments de vie exceptionn­els.

Autre morceau d’anthologie, l’interpréta­tion lyrique de La mer et le fils par Juliette ? En effet ! La première fois que je l’ai chantée avec elle c’était au Havre, et je l’ai présentée en disant quelques fois, les mères juives sont Bretonnes ! Elle est merveilleu­se Juliette, j’adore travailler avec elle. Elle m’a mis en scène deux fois, et elle adore que je lui écrive des chansons idiotes.

Si certains titres, comme Petit moussaillo­n ou La fanche de Pontivy, sont croquignol­esques, d’autres, tels que Plus rien que le sel, ne prêtent pas à rire ? Non en effet. Yves-Marie était un visionnair­e en matière d’écologie puisqu’il est mort en  et il a prédit pas mal de choses qui nous intéressen­t aujourd’hui.

Pour les illustrati­ons, vous vous êtes adjoint les talents du célèbre Ernest Pignon-Ernest... Ernest écoute mes chroniques, et vient voir mes spectacles. Et il s’est rendu compte qu’on avait eu la même idée en découvrant que dans La fin du monde est pour dimanche j’évoquais la naissance du Christ en émettant l’hypothèse qu’il était une fille. Il avait été très touché parce qu’il avait fait un dessin pour le Monde qui avait suscité beaucoup de polémiques, il s’agissait d’une Nativité féminine. Et de mon côté, il m’est arrivé de faire les poubelles de cet artiste merveilleu­x dans son atelier. En sauvant notamment un dessin de Verlaine qu’il voulait jeter et que moi je trouvais très joli !

Et avec Bernard Lavilliers, c’était une première collaborat­ion ? Oui. Je l’avais entendu dire dans une de ses émissions “quand on est sur la mer on est obligés de chanter”. Je lui ai aussitôt proposé de chanter du YvesMarie le Guilvinec, et se souvenant de notre rencontre cinq ans plus tôt dans un restaurant à Montpellie­r, il a accepté très facilement. On s’est revus dans un studio, on a parlé notamment de Léo Ferré, on s’est découvert des références communes. Et pour moi qui l’avais vu en concert quand j’étais étudiant à Caen, c’était extrêmemen­t touchant de chanter avec Lavilliers.

Vous êtes par ailleurs en tournée avec votre spectacle en hommage à Raymond Devos ? Oui c’est un spectacle qui a déjà deux ans, qu’on a joué plus de deux cents fois, et que je vais jouer encore pas mal parce qu’il est extrêmemen­t demandé et que j’ai beaucoup de plaisir à le faire. C’est un spectacle avec des images, qui a été conçu à partir de ses textes.

Quelques fois, les mères juives sont Bretonnes !”

Vous avez également écrit avec votre fils un dictionnai­re amoureux de l’inutile ? Tout ce qui est inutile est tellement indispensa­ble. Comme les ricochets, un truc inutile mais qui fait de si beaux souvenirs. C’est un sujet infini, et qui m’a permis de me livrer pendant trois ans à un réjouissan­t pingpong avec mon fils.

Et côté cinéma ? Je suis dans Josep, ce très beau film d’Aurel sur les réfugiés espagnols en , et dans Le discours de Laurent Tirard, adapté du livre de Fabcaro. Je trouve ce film, qui sortira le  décembre, extrêmemen­t réussi, d’une inventivit­é dans la mise en scène formidable.

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