Lucky Luke Un cowboy dans le coton
Le troisième opus des aventures du cowboy version Jul & Achdé est une réussite, fidèle à l’esprit de Morris et Goscinny, tout en explorant d’audacieuses contrées scénaristiques.
Un thème inédit, celui de l’esclavage
Un cow-boy complètement à l’ouest ! Rarement Lucky Luke n’aura été aussi peu à sa place au Sud, dans la plantation de coton de Louisiane dont il vient d’hériter. Le voilà bien malgré lui devenu l’agriculteur le plus riche d’un état marqué par la Guerre de sécession. Le gardien de troupeau y découvre un monde étrange et violent dont il ne maîtrise pas les codes... et une société régie par la ségrégation raciale ! Malgré l’abolition de l’esclavage, les aristocrates blancs voient d’un très mauvais oeil le souhait de Lucky Luke de léguer aux fermiers noirs – encore sonnés par la nouvelle – sa plantation et son or blanc. Et les blanches capuches du Klu Klux Klan ne comptent pas se laisser manger le coton sur le dos par « la vermine du Nord ». Pour compliquer le tableau, voilà les Dalton attirés dans le bayou par la fortune de Lucky Luke. La bande des quatre est poursuivie par Bass Reeves. Le premier marshal noir à l’ouest du Mississippi, véritable personnage historique, est une vieille connaissance du poor lonesome cowboy.
Jul et Achdé abordent dans ce Cow-boy dans le coton un thème inédit chez Lucky Luke, bientôt 75 ans, celui de l’esclavage. Autour de ce sujet historique qui imprègne profondément la société américaine, le scénariste a tricoté un récit complexe, fouillé et chargé d’émotions tout en conservant la comédie et la parodie propres à la série. Dans un surprenant rôle à contre-emploi, ce sont les Daltons qui portent dans leurs ceinturons l’humour de cet album.
Dessin et gags impeccables
Son dessin et ses gags toujours impeccables, Achdé décoche quelques traits bien sentis aux véritables méchants de cette histoire. Le lecteur reconnaîtra les victimes de ses coups de crayon ! Cette troisième collaboration de Jul et d’Achdé est sans doute la plus réussie. Abordant un sujet difficile et ardu, le duo évite pourtant la chute dans les sables mouvants de la caricature et de l’excès tout en renouvelant son serment de fidélité à Morris. Jul est un habile observateur et chroniqueur des maux et travers de nos sociétés. Son récit entre en résonance avec l’actualité américaine et le mouvement Black Lives Matter... même si l’auteur de Silex and the city s’en défend et n’y voit qu’un hasard du calendrier.
« Le monde a changé » veut croire, en 1870, un Lucky Luke dont le flegme légendaire est mis à rude épreuve. Et en 2020 ?