Var-Matin (Grand Toulon)

Bars et restos : bonnes résolution­s et regrets hier à la veille du jour J

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

À l’heure du café, la terrasse de l’Excelsior, à Saint-Raphaël, est plutôt déserte ce vendredi matin. Il pleut, le ciel est bas, les mines tristes… Quelques habitués sont là mais beaucoup manquent à l’appel, faute de soleil. Jean-Michel Frélastre, ancien responsabl­e du tourisme à la chambre de commerce et d’industrie du Var, et jeune retraité, est inquiet « pour le secteur touristiqu­e » qu’il entend soutenir : « Par solidarité, j’irai dîner au restaurant, tôt, une fois par semaine ». « Je suis très préoccupé, dit-il. Au niveau sanitaire compte tenu de l’évolution de l’épidémie ; au niveau moral aussi, on l’a vu au premier confinemen­t pour les familles qui vivent à l’étroit ou ne peuvent voir leurs proches. Continuer à pratiquer des activités physiques est primordial, surtout dans le contexte anxiogène dans lequel nous vivons et qui perdure malheureus­ement. Les salles de sport respectent parfaiteme­nt les gestes barrières, je suis soucieux de leur devenir. Et enfin au niveau économique. C’est une catastroph­e, ça impacte tous les secteurs, avec des répercussi­ons pour l’emploi. Je me fais du souci pour les jeunes qui arrivent sur le marché du travail, les étudiants qui ne trouvent pas de stage ».

Au lieu des dîners, on fera des brunchs

Une table plus loin, Adeline, 30 ans, n’est pas du tout sur cette ligne pessimiste. « Ce couvre-feu ne va rien changer pour moi, dit-elle. Avec mes amis, au lieu de faire des dîners pour se voir, on fera des brunchs ».

Fabian Scannavino, auto-entreprene­ur dans le jardinage, reste laconique : « À 21 heures, je suis déjà chez moi. Si j’avais de l’argent à dépenser, je sortirai le soir. Mais entre la concurrenc­e, le fait que les gens ont moins d’argent et les cours de la bourse qui baissent, je n’ai pas les moyens de sortir » explique ce boursicote­ur. À la brasserie Le Pub, Marina, 20 ans, boit son café avant d’aller travailler dans une boutique voisine. En alternance, la jeune femme est fataliste : « Je vais sortir du travail à 19 heures et rentrer chez moi. Déjà, je ne sors plus en boîte puisqu’elles sont fermées. On se retrouve chez des copines. En fait, avec le couvre-feu, c’est impossible d’avoir une vie sociale, une vie extratrava­il. Ça me désole totalement. Et même si on est révolté, on ne peut rien faire à part subir ».

La jeune femme envisage-t-elle de participer à des fêtes clandestin­es ?

« Non, je préfère ne rien faire que me cacher » répond-elle. Elle n’est pas davantage en phase avec ceux de son âge qui estiment être une génération sacrifiée : « Je ne suis pas tourmentée, c’est la vie ». D’ailleurs, « en 2019, je faisais toutes les fêtes entre Monaco et Marseille. J’en ai profité. Et j’espère recommence­r à l’été 2021 ».

Midi trente, au Mug, Christophe Poumeaud déjeune avec son épouse Valérie. « Ça fait un moment qu’on ne va plus au restaurant le soir, ni au cinéma. Le couvre-feu ne changera pas grand-chose pour nous » souligne le couple. « On préfère un repas entre amis, chez soi. En fait, on a déjà changé nos habitudes depuis le confinemen­t. On a fait connaissan­ce avec nos voisins. On ne fait plus la bise, on respecte les gestes barrière. ».

Durant cette période, ils ont pris conscience « qu’on vit dans une région privilégié­e, on a la mer, de l’espace ». Valérie est tout de même « frustrée de ne plus pouvoir aller en salle de sport ». Pour le reste, « je fais très attention pour ma mère, que je vois régulièrem­ent », précise-t-elle. Ces quinquagén­aires assurent ne pas trop se sentir pénalisés : « À nos âges, on accepte plus facilement les mesures destinées à ralentir l’épidémie ».

Au comptoir du Victor-Hugo, Lulu, un verre de blanc à la main, compte également « totalement respecter le couvre-feu, assure-t-il. Ma femme sera très contente, je vais rentrer plus tôt à la maison et moins bourré ! », s’amuse-t-il. Être au bar, « c’est bon pour les affaires, parfois je récupère des contacts pour mon travail » justifie ce peintre, qui, de fait, va se mettre au vert. Et d’ajouter: « J’aime bien boire avec les potes, mais pas chez moi », sans paraître perturbé par cette perspectiv­e pour autant.

« En été, ce serait plus embêtant »

Sur la Charles terrasse et du Maxence, même établissem­ent, frères de 24 plat et du 30 ans, jour. discutent « La semaine, autour Saint-Raphaël d’un est déjà une ville morte le soir hors saison. Ça ne va pas trop changer ma vie. En été, ce serait plus embêtant », dit le premier. Le week-end, il compte retrouver des amis, « dans des maisons, des appartemen­ts, où on risque d’être plus que six ».

Idem pour son aîné, qui sera privé d’entraîneme­nt de rugby le soir, et juge « sévère » le couvre-feu. Il estime que « c’est fait pour empêcher la migration ici des Parisiens et habitants des grandes villes où il est déjà mis en place ».

En début de soirée, les clients du bar O’Celtic, font l’apéro en face de la mairie. Ils sont dans l’incompréhe­nsion. « Pour trois malades de la Covid en réanimatio­n à l’hôpital, on nous sanctionne, dit un homme en montrant l’informatio­n publiée sur le site du centre hospitalie­r lui-même. C’est complèteme­nt disproport­ionné. Il faut que ce soit juste pour tout le monde ».

Un septuagéna­ire ajoute : « Les gens ont perdu leur emploi, leur commerce. Moi, je suis encore obligé de travailler ». Il prédit des lendemains qui déchantent : « Quand tout cela sera terminé, on se prépare des mouvements sociaux. Et ce sera bien pire qu’en mai 68 ».

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(Photos Adeline Lebel) Au bar O’Celtic, à Saint-Raphaël, M. Moulès a mis sur le comptoir, des photos de personnes serrées dans une rame de métro et autres images contestant l’opportunit­é d’un couvre-feu pour enrayer la propagatio­n du virus.
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Une année entre parenthèse­s pour Marina,  ans, qui a beaucoup fait la fête en  et espère recommence­r en …
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Jean-Michel Frélastre ira dîner plus tôt au restaurant.

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