Un nouveau robot pour l’exploration des abysses
Baptisé ulyX, cet engin sous-marin autonome a été développé par l’Ifremer pour explorer les fonds marins jusqu’à 6 000 mètres. Sa présentation a eu lieu hier à La Seyne
Le noir complet. Une eau glaciale et une pression gigantesque, équivalente à 600 kg par cm2. Ici, dans l’environnement hostile des grandes profondeurs et ses paysages impénétrables, rares sont les outils technologiques à résister. Encore plus rares sont ceux qui y brillent par leur efficacité. Le nouveau robot développé par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer est de ceux-là. Baptisé ulyX lors d’une cérémonie organisée en grande pompe hier au centre Méditerranée de l’Ifremer, à La Seyne, cet « engin sous-marin autonome » est capable de descendre jusqu’à 6 000 m sous le niveau de la mer pour explorer les abysses. Dans ces zones longtemps inaccessibles, l’« AUV » peut cartographier
(1) en détail et photographier en très haute résolution, mais aussi acquérir de nombreuses données en fonction de sa mission. « UlyX va rejoindre la flotte océanographique française, opérée par l’Ifremer, où il était le maillon manquant. Et tout ça au bénéfice de la communauté scientifique, annonce François Houllier, P.-D.G. de l’établissement public. Ses capacités nouvelles vont nous permettre d’accéder à une frontière de la connaissance : l’océan profond. Aujourd’hui, on connaît les moindres recoins de la Lune mais finalement très peu le plancher océanique. »
Rendre accessible % des grands fonds
Près de 75 % des zones très profondes de l’océan restent en effet inexplorées. En leur sein, de mystérieuses et abondantes ressources naturelles, ainsi qu’un univers inconnu de biodiversité. UlyX, lui, pourra y repérer une émission de méthane, un minerai, découvrir une espèce animale ou identifier une cheminée hydrothermale. Bref, faire rêver les océanographes, géophysiciens, biologistes et autres chimistes en « rendant accessibles 90 % des grands fonds du globe » grâce à ses capteurs. « S’il avait été disponible plus tôt, ulyX aurait sans doute été déployé au large de Mayotte pour évaluer les risques dus à l’émergence d’un volcan sous-marin », imagine encore François Houllier. Mis en oeuvre par les navires de haute mer de la flotte océanographique, le robot aurait pu alors aller observer au plus près, par 3 500 mètres de fond, ce nouveau volcan responsable de plus de 2000 tremblements de terre depuis deux ans dans le département français d’outre-mer. Non content d’aller plus loin que les autres, et de savoir faire davantage de choses, plus précisément, ulyX est aussi très « malin ». Ainsi, une fois sa mission définie, s’il est à même d’évoluer totalement coupé de la surface, en autonomie complète pendant 48h, il n’en prend pas moins quelques initiatives. « Grâce à son intelligence embarquée, il peut reconnaître des éléments d’intérêt scientifique et évaluer seul la nécessité de se mettre en mode stationnaire pour recueillir des informations », explique Lorenzo Brignone, ingénieur à l’Ifremer. Plus terre à terre, la conception de ce bijou de technologie - seuls quatre pays au monde détiennent un tel engin - est elle aussi une belle histoire. Celle du savoir-faire varois. L’AUV a ainsi été fabriqué par la société Eca Robotics, à La Garde. « Près de 40 ingénieurs d’Eca, de l’Ifremer et d’une quinzaine de PME innovantes du département ont travaillé ensemble pendant 4 ans pour faire émerger le projet », confie Jan Opderbecke, responsable de l’unité systèmes sous-matin à l’Ifremer. Un projet dont le co-financement atteint 5,3 millions d’euros. Un prix élevé ? Pas pour Sophie Arnaud-Haond, chercheuse en écologie, qui résume l’intérêt global d’ulyX : « Mieux comprendre notre planète, c’est mieux connaître ses ressources. Et donc être capable de mieux la protéger. » 1. En anglais, Autonomous Underwater Vehicle, soit robot autonome sous-marin. ans après l’Epaulard Sa carcasse rouge est toujours exposée aux quatre vents devant le centre d’Ifremer. Fabriqué en par la société Eca (déjà !), l’Epaulard fut le premier submersible inhabité au monde (AUV) capable d’explorer les fonds jusqu’à m. D’une autonomie de h, il pouvait prendre jusqu’à photos sur des films argentiques. Outre l’ulyX, l’Ifremer dispose aujourd’hui d’autres engins (jaunes désormais), opérant au sein de la flotte océanographique française : le Victor et l’Ariane, engins à câble téléopéré (ROV), mais aussi les AUV AsterX et IdefX, capables de plonger à m, ou le sous-marin Nautile.