Var-Matin (Grand Toulon)

Pollution des eaux de l’Aille : le parquet a ouvert une enquête

Début septembre, la rivière qui court entre Gonfaron et Les Arcs a été victime d’une pollution ayant entraîné l’interdicti­on d’y pêcher entre Le Cannet et Vidauban

- GUILLAUME JAMET gjamet@varmatin.com

L’Aille, qui déroule ses 30 kilomètres au fil de la plaine des Maures, entre Gonfaron et Les Arcs, est l’une des plus petites rivières varoises. Son cours bénéficie, en partie, de la protection offerte par son passage sur le territoire de la réserve naturelle de la plaine des Maures. Ce sont les agents de cette dernière qui, durant la première quinzaine de septembre, ont alerté leur administra­tion d’une pollution manifeste de l’eau. Des observateu­rs divers signalaien­t alors des matières polluantes d’origine agricole. Selon différente­s sources, la pollution s’étendait alors sur trois kilomètres environ, et prenait naissance sur le territoire du Cannet-des-Maures, à proximité d’un domaine viticole, dont les installati­ons techniques sont immédiatem­ent voisines du cours d’eau.

La pêche interdite pendant un mois

Saisis, les services préfectora­ux de la Direction départemen­tale des territoire­s et de la mer (DDTM) ont émis, le 18 septembre et pour une durée d’un mois, une interdicti­on de la pêche « sur les cours d’eau des communes de Vidauban et du Cannet-des-Maures », l’arrêté stipulant l’état particulie­r de l’Aille et de la pollution qu’il subissait et la « forte mortalité piscicole constatée ». Mais au-delà de l’évident désagrémen­t pour les poissons, l’environnem­ent et les pêcheurs, c’est sur le terrain judiciaire que l’eau polluée de l’Aille continue maintenant de couler : saisi par la directrice de la réserve naturelle de la plaine des Maures, le procureur du tribunal de grande instance de Draguignan a confirmé avoir ouvert une enquête portant sur « des chefs d’atteinte à la conservati­on de l’habitat naturel d’une espèce protégée, destructio­n d’espèces protégées et rejets de déchets dans une réserve naturelle ». Les services de l’Office français de la biodiversi­té (OFB) et de la Direction régionale de l’environnem­ent, de l’aménagemen­t et du logement (Dreal) ont été sollicités par le parquet afin d’apporter leur expertise au dossier. « Les investigat­ions sont en cours, des analyses et des auditions sont programmée­s », a confirmé le procureur.

« C’est déjà arrivé »

Gilles Millet, président de l’associatio­n de pêche gonfaronna­ise « Les Amis de l’Aille », est catégoriqu­e : « Ce type de pollution ne peut pas être d’origine naturelle. » Selon lui, des événements de même nature sont déjà survenus sur l’Aille, notamment à Gonfaron : « Des rejets d’origine viticole ont régulièrem­ent pollué l’eau durant quelques années, avant que la justice passe par là et que l’exploitant coupable reçoive une “gifle”. Ça a ensuite cessé. »

Selon le pêcheur, ce type de comporteme­nt est malheureus­ement courant : « Quand on est à proximité de la rivière, on est facilement tenté de s’en servir pour évacuer des résidus de lavage de cuves… C’est pratique : en moins de 24 heures, ce n’est plus devant chez vous… » Évidemment, ce n’est pas gratuit : l’environnem­ent en prend un coup.

« Il suffit d’un gars »

Aujourd’hui, rien ne permet d’affirmer que l’Aille est victime d’une telle inconséque­nce, ni, évidemment, qui en serait à l’origine : il appartient à la justice de déterminer les causes et les coupables. Toutefois, quelle que sera l’issue de la procédure en cours, Gilles Millet, lui, s’estime d’ores et déjà puni : « Les sociétés de pêche et leurs bénévoles entretienn­ent les cours d’eau et travaillen­t toute l’année pour que la faune y soit installée et s’y épanouisse. Il faut compter deux ou trois ans pour établir un bon équilibre. Pourtant, il suffit d’un gars qui balance un truc dans l’eau pour que tout cela soit détruit en quelques heures… Pour l’Aille, c’est d’autant plus grave que la pollution est survenue au moment où le débit de la rivière était très faible, après une longue période sèche… L’effet a donc été immédiat : trois jours après, les poissons étaient morts. » Les pluies qui sont tombées ces derniers jours auront certaineme­nt permis aux eaux de l’Aille de retrouver un semblant de clarté. Gilles Millet et ses amis pêcheurs en sont quittes pour travailler à y réintrodui­re la vie une nouvelle fois. En espérant qu’une « gifle » judiciaire prochaine leur permette de croire que ce sera la dernière.

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(Photo CC/S. Champion) L’Aille, ici entre Le Luc et Les Mayons, en amont du lieu constaté de sa pollution, a probableme­nt été victime du déversemen­t de produits agricoles au cours du mois de septembre.

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