Var-Matin (Grand Toulon)

Amères loques

- de PHILIPPE CAMPS Journalist­e edito@nicematin.fr

L’Amérique vieillit mal. Elle ressemble à Robert De Niro. Pauvre Bob, il ne tourne plus que des navets. Son dernier film, « Mon grand-père et moi », s’est fait assassiner par la critique. Lui s’en moque, il est immortel. Il est payé pour faire des grimaces. Ça fait cher le rictus. Bientôt, il fera des pubs pour les déambulate­urs et les appareils dentaires. Tout finit mal. Même les légendes. Vous vous souvenez de lui dans Taxi Driver ? Un bloc de haine. Un concentré de folie. Il transpirai­t la violence, semblait habité. De Niro est un mythe. Il a fait des chefs-d’oeuvre, des films cultes, des heureux. Aujourd’hui, il encaisse de gros chèques en clignant de l’oeil. Il a  ans. L’âge de Joe Biden. Bob milite pour le candidat démocrate. C’est son droit. Il insulte souvent Donald Trump. C’est son rôle. Le duel Trump-Biden est le raccourci de ce qu’est devenu le pays. Leur premier débat fut consternan­t, chaotique, ordurier. Le rêve américain a du plomb dans l’aile. La vente libre des armes n’est pas étrangère au carnage. L’Amérique vieillit mal. Elle a une mèche folle et un bidon boursouffl­é. Donald Trump n’est pas aussi cintré et dangereux qu’on le croit, mais il peut vite le devenir. Le clip de son retour à la Maison-Blanche, après trois nuits d’hospitalis­ation pour traiter son infection à la Covid-, avait la finesse des blockbuste­rs hollywoodi­ens. Il fut un temps où le président des Etats-Unis avait de l’allure. Remember JFK. Kennedy n’avait pas besoin de rentrer le ventre. Il avait une silhouette de compétiteu­r. Faut dire qu’il courait nuit et jour après les femmes. Ça aide à garder la ligne. Il aurait séduit une bouteille de ketchup. Il portait des costumes impeccable­s, des messages d’espoir et des idées raffinées. Certains de ses discours sont des morceaux d’histoire. Vous imaginez Trump dire : ‘‘Ich bin ein Berliner’’. Nous non plus. Un moment, on a cru qu’Obama serait le nouveau JFK. Même classe, même souci d’ouverture. On l’aurait regardé des heures monter ou descendre la passerelle d’Air Force One. Il ne nous a, hélas, pas amenés bien loin. Dommage. L’Amérique vieillit mal. Elle est ridée, diminuée, appauvrie. Plus déchirée que déchirante. Là-bas, les maux (racisme, protection­nisme, laxisme) se cognent et les hommes se disputent. Mais il y a plus grave : Sinatra ne chante plus et Roth n’écrit plus. Ils sont morts. Heureuseme­nt, Woody Allen tourne encore. Ouf. Il ne faut jamais désespérer. Surtout d’un pays qui a des étoiles sur son drapeau.

« Le rêve américain a du plomb dans l’aile »

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