« Le vote religieux, la clé de l’élection »
Marie Gayte, maître de conférences en civilisation américaine à l’université de Toulon
Cela fait vingt ans maintenant que Marie Gayte suit les élections présidentielles américaines. Elle a encore en mémoire le match très serré opposant en 2000 le démocrate Al Gore au républicain George W. Bush. Ce dernier fut finalement déclaré vainqueur sur décision de la Cour suprême des États-Unis. Fine connaisseuse de la société américaine, Marie Gayte avait senti il y a quatre ans que quelque chose se passait en découvrant autour de minuit que l’État du Michigan venait de basculer dans l’escarcelle de Donald Trump. Dans la dernière ligne droite avant le scrutin du 3 novembre prochain, son expertise est précieuse. Elle attire notamment l’attention sur le vote religieux, et plus particulièrement l’électorat latino catholique ciblé par le camp républicain.
Que vous inspirent les confrontations télévisées entre Joe Biden et Donald Trump ? Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure image que les États-Unis aient proposée au reste du monde. Le premier débat notamment ressemblait plus à une cour de récréation où deux septuagénaires se chamaillaient comme des gamins de deux ans. Cela dit, Joe Biden s’en est plutôt bien sorti. Il n’a pas fait les gaffes dont il est coutumier. Il a surtout cassé l’image de « sleepy Joe » que veut lui donner Trump. Même si pour cela il s’est adressé de façon assez cavalière à son concurrent en lui lançant un inattendu « Shut up, man ! » ().
Le président sortant Donald Trump semble distancé dans les sondages. Peut-il encore faire son retard ? Il faut manipuler les sondages avec beaucoup de prudence. N’oublions pas qu’il y a quatre ans, les sondeurs, comme aveuglés, donnaient très majoritairement Hillary Clinton gagnante. Par ailleurs, dans une société très polarisée, à tel point que dans certaines familles on ne parle plus de politique, il ne faut pas négliger la réticence de certains à dire qu’ils vont voter Trump. Et puis l’équipe de campagne républicaine est très fin stratège en mettant l’accent sur le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie, trois « swing states » qui peuvent faire basculer l’élection. Que ce soit Donald Trump ou son vice-président Mike Pence, ils sont constamment dans ces États et martèlent qu’ils vont redonner leur fierté aux ouvriers blancs. Donc oui, Trump peut être réélu.
On voit aussi Trump faire campagne en Floride et Arizona. Pour les mêmes raisons ? Non, ce sont des États où Trump cible plus particulièrement les latinos catholiques dont un tiers a prévu de voter pour lui. Il essaye donc de travailler sur cet électorat.
La désignation de la très conservatrice Amy Coney Barrett pour siéger à la Cour suprême des États-Unis fait partie de cette stratégie ? Avec ses positions contre l’avortement, c’est clairement un signe envoyé aux catholiques, la véritable cible. Ça plaît bien sûr aussi aux évangéliques, mais cet électorat est déjà acquis à Trump. En cas de résultats très serrés entre les deux candidats, comme en , ça peut aussi être un atout pour Trump si la décision finale de désigner le vainqueur revient à la Cour suprême. Encore faut-il que la nomination d’Amy Coney Barrett soit confirmée par le Sénat avant le scrutin. Autre bémol : les juges, même conservateurs, sont avant tout au service de la Constitution. La sortie de Lou Holtz, coach emblématique de l’équipe de foot US de l’université Notre Dame, qui, lors de la dernière convention républicaine, a déclaré que « Biden n’est catholique que de nom », fait également partie de cette stratégie.
Le vote religieux est donc si important que cela aux ÉtatsUnis ? À eux seuls, les évangéliques, le courant le plus important du pays, représentent % de la population américaine. En , ils avaient voté à % pour
Trump ! Quand on sait que ces évangéliques considèrent que l’homme ne peut pas détruire la planète Terre, une création de Dieu, on comprend mieux pourquoi Trump nie le réchauffement climatique. Les catholiques représentent quant à eux un peu plus de % de la population.
Quid de la politique israélienne de Donald Trump ? Là encore, elle est plus destinée à plaire aux évangéliques sionistes qu’aux juifs, qui sont généralement plutôt prodémocrates. Les Christians united for Israël (Cufi) croient en effet que le retour de Dieu sur Terre ne pourra se faire qu’une fois que tous les juifs seront rentrés en Israël.
1. Ferme-la, mec !