La semaine de Claude Weill
Mardi
Comment convaincre les Twitter, FaceBook, Snapchat et Cie, qui se méfient comme de la peste des ingérences du politique, de coopérer à la lutte contre le « cyber-islamisme » ? C’était l’objet de la rencontre organisée ce matin par Marlène Schiappa avec les représentants des grandes plateformes numériques. Ils l’ont assurée de leur bonne volonté. C’était bien le moins… Depuis l’horreur de ConflansSainte-Honorine, on n’entend plus guère tous ceux - lobby du Net, intellectuels, opposants de droite et de gauche - qui s’étaient mobilisés contre la loi Avia sur la « haine en ligne » et avaient bruyamment applaudi son sabordage par le Conseil constitutionnel. Rappelons qu’une des dispositions annulées visait à obliger les plateformes numériques à retirer dans l’heure les messages à caractère terroriste ou pédopornographique signalés par les autorités. C’est entendu, la loi Avia était mal ficelée. Pas une raison pour laisser tomber le sujet. Samuel Paty, ciblé par une campagne de cyber-dénigrement, l’a payé de sa vie. Cela oblige. La prolifération des appels à la violence, injures et menaces sur les réseaux sociaux, généralement (pas toujours) sous pseudo, est un fléau. Un poison pour la démocratie et la paix civile. Il est temps de civiliser cet espace de communication. À ceux qui ne manqueront pas de s’inquiéter d’un risque de censure et prétendent réserver aux seuls juges le droit d’en décider, on fera observer que : / La liberté d’expression n’est pas la liberté de diffuser impunément des messages illégaux. / Le temps judiciaire n’est pas le temps du Net. La viralité et la vitesse de circulation des données imposent d’inventer
de nouveaux moyens de contrôle. Sacré casse-tête.
Mercredi
Ce fut un de ces moments suspendus où l’on croit entendre battre le coeur du pays. Où se taisent les haines et les rancoeurs. La France, en ses représentants, la France dans ce qu’elle a de meilleur, soudée dans le chagrin, communiant dans le souvenir d’un jeune professeur « tué parce qu’il incarnait la République », dira Emmanuel
Macron. Union d’autant plus précieuse qu’elle est rare et toujours précaire. Bientôt, dans quelques heures, reviendra le temps de la politique et de ses médiocrités. Mais par respect pour Samuel Paty, pour ce qu’il incarne, c’est ce moment de grâce que nous voulons garder en mémoire. L’image déchirante de ce cercueil porté dans la cour de la Sorbonne au son de la musique de U : «One life, one blood, one love… »
Jeudi
Depuis heure, cette nuit, l’Irlande est reconfinée. Demain, à
h, ce sera le Pays de Galles. D’autres, sans doute, suivront. Cela semble inéluctable. Il suffit de regarder l’envolée des courbes, partout en Europe. Et le taux de remplissage des services de réanimation, devenu le régulateur de nos existences. Et nous, y échapperons-nous ?, se demande-t-on en écoutant, l’après-midi, le Premier ministre annoncer l’extension du couvre-feu. On ne dira pas qu’il a cherché à dorer la pilule. Le plus dur est devant nous. Et nul ne peut jurer que ces six semaines de confinement de nuit suffiront. «Sinous ne parvenons pas à juguler collectivement l’épidémie, nous devrons recourir à des mesures beaucoup plus dures» , martèle Jean Castex. Pas besoin de sous-titre… Aurait-il fallu faire plus et plus tôt ? Si les résultats ne sont pas là, on entendra se lever le choeur des
« je-l’avais-bien-dit-il-aurait-falluconfiner-plus-tôt ». Le yavéka est la forme aboutie du yaka. Sans vouloir jouer les épidémiologistes amateurs, il me semble pourtant qu’avant d’en arriver au confinement, avec les désastres qui en résulteraient, il serait raisonnable d’envisager une solution intermédiaire : le confinement des plus « vulnérables ». En clair : les plus de ans et les malades.
« C’est ce moment de grâce que nous voulons garder en mémoire »
« Politiquement invendable, diton, ça ferait hurler. » Peut-être… Mais à titre personnel, quitte à me faire agonir, je le dis tout net : si c’est le prix à payer pour éviter un effondrement de l’économie et épargner nos enfants, j’y suis prêt.
Vendredi
À Avignon, ouverture de la « Semaine d’Art », mini-festival d’automne où une partie des spectacles empêchés en juillet pourront quand même voir le jour. Jauges réduites, horaires limités, programme amaigri. Mais que des gens se battent pour maintenir la culture en vie, sous la chape du coronavirus, comme les premiers crocus perçant la neige annoncent la venue du printemps, cela donne envie de croire au retour des beaux jours.
Samedi
À l’heure où j’écris, près de , millions de personnes ont téléchargé l’application TousAntiCovid. Soit plus de , million dans les dernières heures. C’est encore insuffisant. Mais après le flop de StopCovid, victime de la défiance et du calendrier (l’appli est sortie trop tard : on croyait l’épidémie terminée), c’est encourageant. Sur le front du Covid, les bonnes nouvelles ne sont pas si fréquentes.