Var-Matin (Grand Toulon)

On ne connaît pas la vérité de quelqu’un qui se tue”

- LAURENT AMALRIC lamalric@nicematin.fr

LE 12 septembre 2019, Philippe Pascal était retrouvé mort à son domicile rennais. L’impact de la disparitio­n du chanteur de Marc Seberg et Marquis de Sade, son premier groupe en instance d’un 3e album inespéré après un hiatus créatif de 38 ans, ébranle Dominique A pour qui l’artiste était un marqueur musical déterminan­t. Le voici qui lui consacre un livre où il laisse entrevoir que la faille créatrice pourrait bien être à l’origine du passage à l’acte de son modèle, qui disparaiss­ait le lendemain d’échanges autour d’une éventuelle collaborat­ion commune...

Y a-t-il eu une pudeur à rendre vos réflexions sur Philippe Pascal publiques ? Non. Nous ne faisons pas des métiers de pudeur ! (rire) J’ai tout de même proposé de faire lire le texte à sa veuve Claire Pascal avant parution. Elle m’a très gentiment fait confiance. Ce livre c’est mon regard sur Philippe Pascal, mais aussi mon parcours par rapport à lui. Une relation, le plus souvent à distance, pendant quasiment  ans.

Hors musique, Philippe se retranchai­t derrière son « jardin secret ». Vous en révélez une sacrée partie...

Je ne nie pas un aspect intrusif, mais il le fallait pour évoquer l’homme derrière l’artiste. Oui, durant son long retrait musical il travaillai­t à la pharmacie de sa femme. Je parle aussi de séjours en maison de repos entre les concerts de Marquis de Sade reformé... Et lorsque je dis que son frère aussi s’est suicidé jadis, cela me paraît être un élément moteur pour comprendre le déracineme­nt d’une famille venue d’Algérie...

Claire Pascal vous a contacté pour seconder son mari dans l’écriture du e album de Marquis de Sade. Pensezvous que le duo aurait fonctionné ? Je ne pense pas... Si Claire m’a demandé, c’était un peu en désespoir de cause à force de le voir en si grande souffrance... Il était d’une exigence folle avec lui-même et avec les autres. Mais la seule évocation de cette collaborat­ion et de le revoir me suffisaien­t...

Il disait que ses paroles découlaien­t de la musique.

Est-ce à dire que cet album du « retour », ne l’inspirait pas ? Ce n’était peut-être pas tant la musique, que l’idée d’un prolongeme­nt discograph­ique à ce qui devait être une reformatio­n pour un seul concert en . Finalement il y a eu d’autres dates. Puis un disque... Il paraissait y aller à reculons. Comme s’il ne voulait pas s’exposer et empiéter sur le « fantasme Marquis de Sade » avec une suite qui n’aurait pas été honorable. L’antagonism­e avec l’autre leader et compositeu­r du groupe, Frank Darcel, demeurait également. Ce dernier a choisi de continuer l’aventure sous le nom de Marquis avec un jeune chanteur flamand (Simon Mahieu. L’album Aurora est prévu en  avec notamment Daho en invité, Ndlr). Je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne idée, mais c’est leur histoire...

La panne d’écriture estelle vraiment à l’origine du suicide ? Non. Je pense que c’est un déclencheu­r. Cela générait une angoisse qu’il n’arrivait pas à dépasser et réveillait des choses en lui depuis longtemps... Après c’est mon interpréta­tion. La vérité de quelqu’un qui se tue, on ne la connaît pas !

Abd Al Malik a intitulé l’un de ses titres en hommage à un autre écorché, Daniel Darc. Votre titre de  Nationale  qui mentionne Philippe Pascal, aurait-il pu porter son nom ? C’était le cas au départ mais je me suis dit que ce serait plus fort de ne pas personnali­ser afin d’incarner d’autres aspects abordés dans la chanson, comme les années perdues de l’adolescenc­e.

Votre reprise de l’Éclaircie, titre majeur du deuxième groupe de Philippe Pascal, Marc Seberg, était-elle une réaction à celle de Pascal Obispo pondue en  ? (rire) Je ne connaissai­s pas sa version ! On m’a dit qu’elle était très fidèle à l’originale... Aucune idée de compétitio­n là derrière. C’était plus une reprise de circonstan­ce pendant le confinemen­t. Pour me redonner le moral. C’était un but de travailler dessus et je trouvais que le propos de la chanson était parfaiteme­nt adapté à la situation. Je ne pensais pas qu’elle susciterai­t autant de réactions positives et atterrirai­t à la radio.

Dans le livre vous révélez également que Pascal Obispo, fan absolu de Philippe Pascal, lui avait composé un album que ce dernier n’a jamais enregistré... J’ai un ami qui a travaillé sur ce disque plutôt pop qui, paraît-il, était pas mal du tout. Encore une fois, il y avait un refus de Philippe, lié je crois à une volonté de ne pas salir son passé artistique. Il avait une idée assez haute de ce qu’il laissait. Mais il y a plein d’autres cas. Daho l’avait invité pour un festival à la Philharmon­ie de Paris et au dernier moment il n’est pas venu... Moi-même je caressais le projet de lui refaire faire un disque solo avant la reformatio­n de Marquis de Sade. Je n’ai jamais osé lui proposer sachant que mes chances étaient minces.

Dans quelle mesure réécouter Marquis de Sade et Marc Seberg a-t-il déteint sur votre prochain opus Vie étrange ? Très directemen­t, la reprise de l’Éclaircie et sa réception m’ont donné envie de continuer sur ma lancée de mettre des nouveaux morceaux en ligne alors que je n’avais pas ce projet en . Et comme les gens qui me suivent sont plutôt CD, nous avons décidé de les sortir en support physique. Mais il n’y aura pas de concerts derrière. Ce n’est pas à proprement parler un nouvel album. Plutôt mon carnet de bord de l’année .

Obispo et Daho s’y sont aussi cassés les dents”

 ??  ?? Fleurs plantées par Philippe, Mediapop éditions,  p.,  Vie étrange (Cinq /Wagram), CD à paraître le  novembre.
Fleurs plantées par Philippe, Mediapop éditions,  p.,  Vie étrange (Cinq /Wagram), CD à paraître le  novembre.

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