Var-Matin (Grand Toulon)

Elisabeth et Christophe de Monte-Carlo à Chicago

Anciens danseurs profession­nels, ils se sont rencontrés aux Ballets de Monte-Carlo avant de créer Wear Moi, une marque d’articles et de vêtements de danse qui compte dans un milieu particuliè­rement exigeant.

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Je lui disais : fais-moi un truc... une tunique !”

Dans les contes de fées, la princesse ne naît pas toujours bien. Le prince ne débarque pas forcément au bon moment. Et il faut souvent un certain temps, comme un certain nombre d’embûches, pour qu’ils finissent par vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants. Dans la vraie vie, les belles histoires démarrent aussi, parfois un peu par hasard, sur un tout petit bureau improvisé et avec un début d’idée. Comme quoi, mieux vaut ne jamais préjuger de ce qui va se passer... La grande règle reste : se battre et bosser. Wear Moi c’est l’aventure de deux artistes, de deux danseurs. D’un très joli couple : Elisabeth et Christophe Ridet, aujourd’hui installés à Chicago avec Mathilde et Samuel, leurs enfants. Et leur marque de vêtements techniques de danse, née en 2001 à La-Valette-du-Var. Diffusée un peu partout à travers le monde via leur site web ou leurs revendeurs. Via, également, au sein de deux boutiques : une à Toulon et une autre aux Etats-Unis, à deux pas de là où ils ont décidé de poser leur passion commune, en 2012.

Une vocation

Il était une fois, donc, deux coeurs dévorés de danse. Quelques pas de petit rat pour Elisabeth, à Toulon. Elle a 3 ans. « Dans la famille on aimait ça. La danse, la musique. Ma grand-mère faisait du piano, du théâtre : opéra-opérette. Ma mère aurait adoré danser. Ma soeur a dansé mais a arrêté vers 10-11 ans. Moi, vers 67 ans, je savais qu’on pouvait en faire un métier... » Ça trotte dans la tête. A 12 ans et demi, elle rejoint les Alpes-Maritimes et l’école Rosella Hightower de Cannes-Mougins. En 1985, à 16 ans, elle entre au Jeune ballet de France à Cannes. En 1986, direction les Ballets de Monte-Carlo. Sa carrière ne fait que démarrer. En février 1989, elle fond pour Christophe Ridet. Il est lui aussi aux Ballets de Monte Carlo... Né à Bourg-en-Bresse, c’est la danse qui est venue à lui. Pas le contraire. « J’ai commencé à danser à 13-14 ans. On sortait tout juste de la Fièvre du samedi soir. Je n’étais pas bon en sport, je n’étais pas bien coordonné, je n’étais pas très compet... mais j’étais actif. » Il a quelques copines qui font de la danse. Jazz, contempora­in. Ça le titille. Il tente... « A 15-16 ans, j’ai pensé : c’est ma vie, c’est ce que je veux faire. » Il est doué. Il a 17 ans quand il décroche son premier contrat en danse contempora­ine. « On était dix danseurs, on a quasiment fait le tour du monde ! » Ses yeux brillent. Pétillants souvenirs. Mais, parce qu’il est comme ça, Christophe Ridet a envie d’aller encore plus loin. « Je voulais remonter à la source, savoir ce qu’est le contempora­in, me challenger, rencontrer des chorégraph­es de danse classique, etc. » Il croise la route de grands noms, comme Brigitte Lefèvre, à l’époque directrice de l’opéra Garnier. Puis Jean-Christophe Maillot, qui mise sur le néoclassiq­ue aux Ballets de

Tours. Mais le jeune homme a la bougeotte. « Je connaissai­s JeanYves Esquerre, directeur de l’opéra de Monte Carlo, j’ai eu envie de partir... j’ai passé une audition mais j’étais très contempora­in. » Il est reçu. De 1988 à 1992, il est demi-soliste puis corps de ballet. Il rencontre Elisabeth. Il sourit. « En mai 1991, la compagnie nous propose de monter un atelier de chorégraph­ie, un workshop... Je commençais à m’interroger pas mal sur mon avenir de danseur. Je me retrouve à créer une chorégraph­ie pour Elisabeth et un copain. Et je travaille aussi sur les costumes. » Il ne fait évidemment pas les choses à moitié donc, il se rend à Seattle pour rencontrer le costume designer Mark Zappone. « J’aimais bien ce meclà. Je voulais qu’il fasse les tenues. Il n’avait pas le temps, à ce moment-là, mais il me dit : welcome à l’atelier ! »

Les ciseaux dans l’étoffe

Les couleurs, les matières, les patrons, l’ambiance, le bruit des ciseaux dans l’étoffe... « C’était plus familier que la première paire de chaussons que je me suis mis aux pieds ! » Bilan ? « Je me suis plus éclaté à faire les costumes que la choré... » Elisabeth enchaîne : «Je lui disais : fais-moi un truc, une tunique... il me le faisait. Il me bidouillai­t des collants, etc. Et les copines disaient wouah !!! La tenue ! Et moi : c’est Christophe qui me l’a fait. » Elle sourit. Septembre, octobre 1991, il a mal au dos. Mauvaise réception d’un saut. « Je traite ça par le mépris. » Résultat : hernie. Il doit se faire opérer à Nice. Et pendant qu’Elisabeth enchaîne les tournées à l’internatio­nal, il sent qu’il ne récupère pas son niveau. « Parallèlem­ent, le business des tuniques marchait... » A Hong-Kong, il pense magnétosco­pe, téléphone sans fil... et il se dit que, peut-être, il pourrait aussi trouver une machine à coudre. «Jevaischez­un concession­naire Bernina et j’en trouve une à 5000 dollars contre 10 000 au prix classique. Je me dis que ça y est, c’est là, c’est mon avenir, c’est bon, c’est ce que je vais faire. » Christophe Ridet entrevoit d’ici le petit atelier qu’il va pouvoir développer tranquille­ment, chez lui, pendant qu’Elisabeth continuera à danser. Il lui faut un nom. Les tuniques de Christophe ? Non... il lui faut un truc qui claque. Un truc vendeur. Porte-moi ? « C’était bien mais mon maître de couture était américain, j’étais fan de cette culture... Et Mark écrit Wear Moi. » Éclat de rire : « Certains, dans les AlpesMarit­imes, ont des collectors ! Ils ont des vêtements dont les étiquettes ont été écrites à la main, sur un bout de coton ! »

« Je suis un bon artisan »

Mai 92, tournée aux States. Il a sa machine à coudre, elle, son visa et un contrat. Jusqu’en mai 94, elle porte ses modèles en dansant au Pacific North West Ballet Seattle. « Les gens savaient qu’ils pouvaient venir et passer commande ! » Dans l’intervalle, ils se marient. Les choses suivent joliment leur cours. Il marque une pause. « Je ne suis pas un gros créatif. Ce n’est pas ça. Mais j’ai un sens pratique. Je suis un bon artisan. Je faisais mes trucs, j’avais mes patrons... » Elisabeth rejoint l’English national ballet à Londres. Elle n’arrête pas.

Elle enchaîne les spectacles – « 260 par an ! » –, les tournées. Son mari confie : « Moi j’aimais les États-Unis, j’étais dans mon élément, j’avais entamé des démarches pour la carte verte. Et puis, je me suis dit, l’Angleterre, allez ça va, ça parle Anglais. Mais non, en fait... c’est très

différent. » Il rit. Ils y construise­nt leur nid de 1994 à 2001. Et Wear Moi s’impose comme l’un des rois du lycra ! Il se retrouve à embaucher quasi dix personnes ! Sa première danseuse essaie tous les vêtements, critique, demande des ajustement­s. La cible est précise et particuliè­rement exigeante. Tout doit être parfait. Un premier magasin de danse commence à acheter des produits. « J’avais envie d’être avec lui...» 1999. Elisabeth danse au Deutsch Opera à Berlin. Elle a 31 ans. Il est à Londres. « Je m’étais blessée quelque temps auparavant. J’ai eu quelques jours off, du temps pour réfléchir. Ça a été une grosse prise de conscience. Tout à coup je me suis dit : mais qu’est-ce que je fous là ? J’avais envie d’être avec lui, j’avais envie d’avoir des enfants... J’ai vendu tous mes meubles et une semaine après, j’étais à Londres. » Elle stoppe net sa carrière de danseuse. Elle croit en Wear Moi, elle veut s’impliquer. Mais elle veut fonder une famille aussi... Ils rentrent à Toulon. Au Mourillon. « On a un petit entrepôt, un catalogue, des sous-traitants. On arrête de produire à la pièce, on lance des collection­s..» Ils veulent faire les choses exactement à leur façon. En 2006, ils ouvrent une boutique à Toulon .«On décide de la stratégie à deux mais elle est plus branchée com, image de la marque, présentati­on des produits, dessins de collection­s. Moi je suis plus dans l’encadremen­t commercial. » Les choses se font naturellem­ent. Mais à coups d’heures acharnées de travail. En 2008-2009, ils prennent une usine à Sfax, en Tunisie. Ils sont cent cinquante aujourd’hui à y oeuvrer ! Ils sortent 1500 pièces par jour. En 2012, naît la filiale à Chicago. « On était trop dans le challenge pour ne pas avoir envie de vivre une expérience familiale aux États-Unis. On a trouvé une école française et nous avons fait le choix de partir. En 2014, j’obtenais mon visa directeur... Nous pouvions nous donner les moyens de vivre autre chose tous les quatre. »

Ils ne regrettent rien.

« Porte moi m’a porté, nous a portés... et il a la capacité de nous porter loin encore. »

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 ??  ?? Monte-Carlo, .
Monte-Carlo, .
 ??  ?? > Toutes les infos sur wearmoi.com
Monte-Carlo, .
Depuis Monte Carlo, leur rencontre, leurs pas de danse, Wear Moi a fait du chemin. Leurs chaussons et autres tuniques se baladent dans  pays,  revendeurs dans le monde adhèrent à la marque – dont  aux États-Unis. « Wear Moi est le plus gros des petits... Il est potentiell­ement dans les cinq premiers mondiaux. » Une réussite.
> Toutes les infos sur wearmoi.com Monte-Carlo, . Depuis Monte Carlo, leur rencontre, leurs pas de danse, Wear Moi a fait du chemin. Leurs chaussons et autres tuniques se baladent dans  pays,  revendeurs dans le monde adhèrent à la marque – dont  aux États-Unis. « Wear Moi est le plus gros des petits... Il est potentiell­ement dans les cinq premiers mondiaux. » Une réussite.
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 ?? (Photos DR) ?? Elisabeth à Londres en .
(Photos DR) Elisabeth à Londres en .
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 ??  ?? Christophe en , à Tours.
Christophe en , à Tours.
 ??  ?? La boutique de Chicago. « A quatre minutes de la maison ! » Elisabeth a tenu à tout gérer en matière d’agencement et de décoration.
La boutique de Chicago. « A quatre minutes de la maison ! » Elisabeth a tenu à tout gérer en matière d’agencement et de décoration.

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