Var-Matin (Grand Toulon)

Était une fille de Draguignan

- ANDRÉ PEYREGNE nous@nicematin.fr

« Qui êtes-vous, Mademoisel­le ? Vous chantez merveilleu­sement. Il faut tenter votre chance à New York. Je vais m’occuper de vous. » Lily ne se le fait pas dire deux fois. À elle l’Amérique !

Débuts fracassant­s à l’opéra de New York

Le 3 janvier 1931, l’opéra de New York acclame dans Lucie de Lammermoor de Donizetti une jeune cantatrice française jusqu’alors inconnue, qui a donné au fameux « air de la folie » un éclat sans pareil : c’est Lily Pons. C’est la salle qui, ce soir-là, est devenue folle. Du jour au lendemain, la carrière américaine de Lily est lancée. La gloire lui tend la main et ne la lâchera plus. On la demande partout. Elle remplira des stades entiers aux côtés de son nouveau mari, le chef d’orchestre André Kostelanet­z, épousé à sa… treizième demande en mariage. Le 7 août 1936, plus de 26 000 spectateur­s viennent l’écouter chanter dans le célèbre théâtre de plein air du Hollywood Bowl. En 1939, ce sont trente mille personnes qui l’acclament à Chicago. « Lily, Lily », les Américains n’ont plus que ce prénom à la bouche. Dans les journaux, dans les magazines, s’étalent son visage aux traits enfantins, son beau sourire, sa chevelure brune joliment bouclée. On l’aime, on l’adore. Elle mène sa vie de star, promenant une panthère devant les tableaux de maître qui ornent les murs de sa villa de Floride. C’est là que le général Eisenhower lui rendra visite. L’Amérique donne son nom à une locomotive ainsi qu’à… une ville du Maryland, près de l’État de New York. Son visage orne les tickets de métro. Les Américains décident que, désormais, le 5 novembre sera le « Lily Pons day » ! La General Motors et la Chesterfie­ld

Corporatio­n lui offrent jusqu’à 10 000 dollars par semaine pour qu’elle fasse leur publicité à la radio. Hollywood lui donne cinq millions pour tourner le film That Girl From Paris. Le shah d’Iran la couvre de bijoux. Et il n’est pas le seul ! Lorsqu’arrive la Seconde Guerre mondiale, elle est le symbole de la France. Lors de l’appel du 18 juin, elle devient l’égérie du mouvement « France Forever » et recueille cent vingt millions de francs pour aider le pays en guerre.

Le 27 novembre 1940, chantant l’opéra la Fille du régiment de Donizetti sur la scène de l’Opéra de New York, elle entonne La Marseillai­se en brandissan­t un drapeau français. La salle est debout.

Marraine de la  e D.B.

Retournant en Europe, elle va chanter pour les soldats sur le sur le front. Elle devient la marraine de la 2e division blindée du général Leclerc. Elle participe à la célébratio­n de la victoire. Le 8 mai 1945, elle chante à l’Opéra de Paris, en présence du maréchal Juin. Tout le monde veut l’entendre. On sort alors un piano sur les marches de l’Opéra et des dizaines de milliers de personnes l’acclament sur la place. À Cannes, la Croisette en délire la voit défiler, drapeau à la main, juchée sur une jeep de soldats américains. Mais l’Amérique continue à la réclamer. Le Metropolit­an Opera organise, le 3 mars 1956, un grand concert pour marquer le vingtcinqu­ième anniversai­re de sa présence dans cette maison. Elle s’y produira pour la dernière fois en 1958. Vingt-sept ans de présence sur la scène de l’Opéra de New York ! Combien de chanteurs peuvent en dire autant ? Lily Pons mit un terme à sa carrière en 1962 à Fort Worth. À ses côtés, se trouvait un jeune ténor nommé Plácido Domingo. Elle mourut à Dallas le 13 février 1976. Le New York Times annonça son décès à la une. Elle avait un souhait : être enterrée au cimetière du Grand Jas dans la ville de son enfance, Cannes. Son corps fut rapatrié en France.

Une gerbe du président Giscard d’Estaing

Ses obsèques eurent lieu le 24 février en l’église du Suquet. Le peuple de Cannes gravit les rues du Suquet pour lui dire adieu. Au côté des gerbes envoyées par les grands opéras américains figurait celle du président de la République, Giscard d’Estaing. Puis, peu à peu, les échos de sa voix se sont tus. Au travers des sonorités grésillant­es de ses vieux enregistre­ments, on peut retrouver la magie de ses vocalises de rossignol. Il y a deux ans, le 24 mars 2018, le conseil municipal de Draguignan décidait de baptiser la rue qui l’avait vu naître « Grand’rue-LilyPons ». Ainsi, dans l’étroite venelle qui monte vers l’église audessus de la mairie, au milieu des vieilles maisons colorées, les gens continuent-ils à avoir une pensée pour elle…

Avec Lily Pons, ils sont vingt Français à avoir leur étoile à Hollywood : - les frères Auguste et Louis Lumière, créateurs du cinéma, - le chanteur Maurice Chevalier, - le chanteur Charles Aznavour, - le compositeu­r Maurice Jarre, auteur de la musique de Lawrence d’Arabie et du Docteur Jivago - l’actrice Michèle Morgan, - le réalisateu­r Jean Renoir, - le réalisateu­r Maurice Tourneur, - le réalisateu­r George Fitzmauric­e, - l’actrice Sarah Bernhardt, - l’acteur Charles Boyer, - l’acteur marseillai­s Louis Jourdan, - l’actrice Claudette Colbert, Oscar de la meilleure actrice en , - l’actrice Leslie Caron, - l’actrice Andrea King, - l’actrice de cirque Renée Adorée - le chef d’orchestre Pierre Monteux, - le violoniste marseillai­s Zino Francescat­ti, - le pianiste Robert Casadesus.

Pour la fin de la guerre, elle chante à l’Opéra de Paris.”

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