Les médecins urgentistes haussent le ton
Dans une tribune sans concession, le Dr Carret, délégué varois de l’association des médecins urgentistes de France (Amuf), rue dans les brancards des politiques d’austérité, qui « tuent l’hôpital public »
Il a été l’un des premiers médecins urgentistes à alerter, en mars dernier, sur « la situation gravissime de la pénurie des masques ». Sept mois plus tard, les masques sont là, mais les lits et les moyens humains ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux de la deuxième vague de Covid-19. Le Dr Vincent Carret, ancien chef de service des Urgences du Centre hospitalier intercommunal Toulon-La Seyne, rue dans les brancards dans une tribune publiée sur notre site (1). Il explique pourquoi les soignants « vont moins communiquer pour se concentrer, comme ils l’ont toujours fait, à leurs malades ». Las de ne pas avoir été entendus sur un hôpital public « essoré, saigné, désarmé, contraint et dans le rendement », vidé de ses 100 000 lits en vingt ans. « C’est avant la crise qu’il faut s’agiter, se bouger, secouer et bousculer les systèmes. Pendant et après, c’est fini, c’est trop tard. Après ce rendez-vous de l’avant raté, on ne doit surtout pas plonger dans la résignation, l’écoeurement et la colère mais essayer de rester dans l’action et l’essentiel, c’est-à-dire se recentrer sur les malades », dit-il, à l’aube d’affronter la seconde vague de l’épidémie dans un hôpital public sous tension. Morceaux choisis…
. « Mépris »
« Le système qui craque et qui va être débordé fera des victimes ! L’annonce (du gouvernement, ndlr) est claire et un aveu terrible pour le monde des soignants et nos populations. Il faudra dégager toutes nos énergies pour en minimiser l’impact. En réponse à ces alertes, indignations, colères qui étaient des refus du renoncement, et il n’y a pas pire que le renoncement, les soignants de France n’ont eu comme réponse déjà avant la crise du Covid, comme seule réponse, mépris, cynisme et pourrissement des conflits. »
. « Hôpital essoré »
« Avoir pensé et voulu un hôpital « à flux tendus », contraint et dans le rendement, essoré et désarmé, sans réserve, sans capacité d’extension et d’adaptation (...) nous en arrivons à une situation d’impuissance. »
. Soignants plus assez nombreux
« Les soignants pas assez reconnus et méprisés ne sont plus assez nombreux pour faire face à cette crise qui est partie pour durer. Partout on les cherche et les rappelle désespérément, infirmiers et médecins manquent de partout, en sus des 100 000 lits fermés (...). Arrêtez de nous mettre en danger ! Arrêtez de fermer des lits et ne votez plus la fermeture des lits lors du vote dans le cadre du programme de la loi de financement de la sécurité sociale (...), était l’objet chaque année d’une lettre ouverte et d’un appel alarmiste du terrain à nos élus législateurs, appuyés par le rapport du Sénat. En vain ! (...) Notre colère est immense à leur égard ! Ils le savent .»
. Seuls face aux malades
« Les soignants seront seuls, bien seuls et en première ligne dans les jours à venir, face à leurs malades si nos hôpitaux débordés, ne sont plus en capacité de les recevoir. Ils n’oublient pas et sauront rappeler à tous leurs concitoyens les votes des élus qui, en conscience, ont voté, ces dernières années, la fermeture des lits hospitaliers et validé les politiques d’austérité. »