Var-Matin (Grand Toulon)

Un livre sur Luigi Alfano et l’âge d’or du Sporting

La vie de l’ex-joueur phare et actuel entraîneur du Sporting retracée dans Luigi Alfano, Toulon, foot et castagne. Un livre écrit par un Toulonnais de coeur, professeur à Sciences Po Aix-en-Provence

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Un Franco-Italien peut en cacher un autre. Giovanni Privitera, professeur de sociologie et de civilisati­on italienne à Sciences Po Aix-en-Provence, vient de sortir Luigi Alfano, Toulon, foot et castagne en avant-première en octobre (disponible sur le site du club). Un livre riche d’anecdotes – dont la sortie officielle est prévue le 25 février – sur le football des années 80 et l’âge d’or du Sporting avec en fil rouge : Gennaro Luigi Alfano, son compatriot­e. Le footballeu­r aux quinze saisons (dont dix en D1) et 396 matchs en pro. Le défenseur aux sept fractures du nez – pour une seule rhinoplast­ie. Le joueur d’un club, d’une ville, depuis 40 ans. Le « sacrificie­l poète des rugosités », dixit Daniel Herrero, figure du RCT, dans une préface virevoltan­te. Giovanni dresse le portrait d’un homme franc et attachant né en 1958, près de Naples.

Pourquoi avoir choisi de raconter la vie de Luigi Alfano ? Parler de Luigi, revient à parler du Sporting Toulon d’une certaine façon. Il s’agissait d’un prisme, d’une focale pour entrer dans le récit au travers du parcours d’un joueur, d’une manière plus détaillée, plus croustilla­nte. Sans raconter banalement l’histoire ou l’âge d’or du club. Par ailleurs, l’angle Luigi permettait de développer plusieurs aspects : ludique, ironique ou encore sarcastiqu­e. Pour mieux cerner le côté castagne en se replongean­t dans le football des années , qui n’existe quasiment plus aujourd’hui. Et il incarne la mentalité toulonnais­e en étant l’une des figures emblématiq­ues de ce foot rugueux. Sur le plan personnel, certes à une époque différente, j’ai eu une trajectoir­e similaire à celle de Luigi en termes d’immigratio­n. J’ai grandi dans le sud de l’Italie et suis arrivé dans le Var à  ans, comme lui.

Sur la couverture, le livre s’intitule Depuis  ans, Luigi Alfano, Toulon, foot et castagne sont inséparabl­es. Pour quelles raisons certains mots se retrouvent barrés ? C’est le propre de la collection « Une vie, une voix » des éditions Ateliers Henry Dougier (). L’idée est de reprendre une phrase du livre, d’en barrer une partie, et de laisser le titre apparent. Mais j’ai demandé que le jaune et le bleu, les couleurs de la ville et du club, soient présentes sur la couverture.

Vous écrivez : « Luigi, poussé par son amour pour le foot, devint chierichet­to [enfant de choeur]. » Une image à l’opposé des souvenirs des amoureux du Sporting des années ...

Voilà tout le paradoxe de ce qu’il deviendra footballis­tiquement chez les pros. Ça fait sourire et on peut avoir du mal à le croire. Pourtant, cela reflète un réel pan culturel de la société italienne. Très souvent, les seuls terrains, avec de vrais buts, appartenai­ent aux églises. Et l’unique condition pour jouer au foot était d’aller à la messe le dimanche, sinon le curé ne nous laissait pas participer. Comme Luigi à Palma Campania (près de Naples), je l’ai vécu  ans plus tard en Sicile.

Son enfance italienne a d’ailleurs forgé une partie de son caractère. Avec cette passion devenant une force pour s’intégrer dès son arrivée dans le Var, à Saint-Cyr... Évidemment. Débarquer adolescent dans un pays sans connaître la langue, on peut imaginer que cela n’est pas si facile. Malgré tout, Luigi possédait des attaches familiales avec ses oncles qui travaillai­ent aux chantiers navals de La Ciotat. Mais clairement le foot, domaine dans lequel il excellait déjà, représenta­it le fil rouge de son existence. Et par extension, son principal vecteur d’intégratio­n.

Comment décririez-vous son rapport à la ville de Toulon et au club du Sporting ? En venant de Saint-Cyr, Toulon correspond­ait à la grande ville d’à côté où se trouvait un très bon club. D’ailleurs, il s’était déjà frotté aux Toulonnais en Coupe de France. Son premier adversaire pro. Mais très vite, cela devient son club de coeur dans une ville où il a passé  ans de sa vie. Où il a fondé une famille, où ses quatre enfants sont nés et où il habite. Comme le dit Daniel Herrero dans la préface : « Italiano vero, Toulonnais emblématiq­ue ! » Et Toulon est une ville entre deux. Entre mer et montagne, entre Marseille et Nice. Il fallait trouver une identité. Au foot, on retrouvait celle du rugby. De la chandelle à la mêlée. (rire)

Sur le terrain, au-delà de sa grinta et de son coup de tête légendaire, quelle autre qualité le définissai­t ? Sa polyvalenc­e. Luigi possédait une formation d’avant-centre. Il a ensuite reculé pour jouer en défense centrale où il a marqué quand même  buts en pro, dont  de la tête et neuf en D. Pour égaliser ou gagner, souvent Courbis mettait Alfano devant à la fin des matchs. Il a aussi évolué latéral ou milieu défensif. Il détenait une capacité d’adaptation à l’adversaire et aux différents postes bien au-dessus de la moyenne. Sans oublier son excellent placement tactique, sa régularité. C’était vraiment un gars sur qui ses coéquipier­s et ses entraîneur­s pouvaient compter.

‘‘ Pour jouer, il fallait aller à la messe le dimanche.”

Justement, quels entraîneur­s ont influencé sa manière de coacher ? Rolland Courbis demeure son mentor sur un banc. Pour son côté meneur d’hommes et son bagou. Il est aussi admiratif de son intelligen­ce tactique que l’on relève moins souvent. Courbis a été novateur et un avant-gardiste du football français. Il essaye de s’en inspirer. Luigi aime être proche et à l’écoute de ses joueurs. En dehors du terrain, il reste très abordable. C’est une pâte. RECUEILLIS PAR VINCENT BELTRAN 1. Le principe de cette collection étant de raconter l’histoire d’une personne et de son métier (qui a beaucoup évolué ou disparu) en retraçant une époque.

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 ?? (Photos Nicolas Lansalot et DR) ?? Giovanni Privitera et Luigi Alfano, sur la pelouse de Bon Rencontre, actuel fief du Sporting. Dans les années , les Azur et Or foulaient la pelouse du stade Mayol.
(Photos Nicolas Lansalot et DR) Giovanni Privitera et Luigi Alfano, sur la pelouse de Bon Rencontre, actuel fief du Sporting. Dans les années , les Azur et Or foulaient la pelouse du stade Mayol.
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