C’est le monde qui devient fou
Le chef d’État turc, Recep Tayyip Erdogan, ne recule devant rien. Ni devant l’Amérique, alors qu’il appartient pourtant à l’OTAN, ni devant la Russie, dont il vient de refuser les tentatives de médiation dans le Haut-Karabakh. Aujourd’hui, c’est la France qu’il dénonce comme son ennemi principal. Dans des termes d’une grossièreté inouïe, Erdogan vient tout simplement de douter, publiquement, de la santé mentale du Président français et de lui conseiller, par deux fois, d’aller se faire soigner. En ces jours, décidément, c’est le monde qui devient fou : jamais on n’a entendu, de mémoire d’ambassadeur, un chef d’État s’en prendre en ces termes à un de ses homologues. Le rappel à Paris de l’ambassadeur de France n’a pas tardé, mais on le sent, le mal est profond. Et ses répercussions en France ne sont pas négligeables. Contesté dans son pays même lors des dernières élections politiques, où son parti a perdu la capitale, Istanbul, confronté à des sondages en baisse et à une économie plus fragile que jamais, Erdogan a choisi l’offensive. Aujourd’hui, la Turquie n’hésite pas à s’en prendre à la France parce qu’Emmanuel Macron a dénoncé, après l’atroce décapitation sur son sol de Samuel Paty, l’islam politique. Peu importe qu’en annonçant sa décision de combattre les extrémistes radicaux, le Président français ait pris soin de séparer l’islam de l’islamisme, peu importe qu’il refuse publiquement tout amalgame entre les musulmans résidant en France et les terroristes, Erdogan dénonce son refus d’interdire une fois pour toutes, dans son pays, le « blasphème » que représente la publication des caricatures de Mahomet. Aucun doute : il a choisi ce terrain, délibérément, pour entraîner derrière lui le monde musulman dont il entend devenir le chef. Il y parvient partiellement puisqu’ici et là, il convainc une partie des musulmans, essentiellement au Qatar ou au Pakistan, non seulement de crier leur colère contre la France, mais encore de boycotter les produits français. Le problème est que la Turquie soutient en France une bonne centaine d’imams, dont elle inspire les prêches et qu’elle soutient financièrement. Même si les représentants de l’islam de France ont condamné, ces jours-ci, le radicalisme meurtrier d’un homme qui prétendait agir au nom du Coran, la présence en France d’une sorte de « base arrière » turque pourrait représenter une difficulté supplémentaire au moment où sont annoncées les premières mesures contre le séparatisme.
Contesté dans son pays, confronté à des sondages en baisse, Erdogan a choisi l’offensive