Carmignac cultive aussi la vigne
Bien avant le rachat du « Domaine de l’île » par Chanel, l’homme d’affaires Edouard Carmignac avait repris celui de la Courtade. Rencontre avec Julien Audibert, aux manettes depuis 2015
Le Domaine de la Courtade, créé par Henry Vidal, et désormais propriété d’Édouard Carmignac est géré par Florent Audibert depuis 2015. Ingénieur, oenologue, et fils de vigneron, Florent, a, notamment, pour objectif de rehausser la qualité de la production, le terroir de l’île étant, selon lui, exceptionnel. Le domaine compte deux vins : la Courtade et les Terrasses et joue sur sa proximité immédiate avec la Fondation d’art contemporain pour développer et proposer une liaison art et vin aux nombreux visiteurs de la Fondation. Florent a bien voulu nous en dire plus sur la politique de développement du domaine de la Courtade en répondant à nos questions.
Le rachat du Domaine de l’île par Chanel, qui possède déjà trois châteaux à Bordeaux, est-il un challenge ? Oui et c’est même un atout. À mon arrivée j’ai été étonné du niveau des vins de Porquerolles par rapport à la dynamique que prenaient les vins de Provence ces dernières années. Je trouvais que l’on était à la traîne. C’est dommage, car nous avons un terroir unique, les mêmes cépages que sur le continent, et on peut faire aussi bien, voire mieux, avec plus de visibilité. Pour autant, les trois domaines porquerollais se reposaient un peu sur leurs lauriers. Je pense que c’est très important que tout le monde se remette en question. En effet, même si nous arrivions à doubler nos productions, elles resteront une goutte d’eau par rapport à la production de la Provence. Pour des petits domaines familiaux comme les nôtres, c’est par la qualité que l’on peut espérer durer. C’est aussi très important pour l’île. Si un touriste voit des vignes mal entretenues ou boit au restaurant un vin moyen, il va l’associer à Porquerolles et aux domaines, peu importe lequel. Au contraire, si les vignes sont bien entretenues et si le vin est bon, quel qu’il soit, les retombées seront positives pour tout le monde.
Comment se caractérise la production du Domaine de la Courtade ? On a ha plantés, dont à en production. On en arrache, on en replante. Et il faut trois ans après la plantation avant de pouvoir récolter. On est sur cet équilibre depuis le début. Une fois que l’on aura remplacé les vignes abîmées, on devrait avoir environàhaen production et à ha au repos. % de la production est en rosé.
C’est relativement faible par rapport à ce que fait un domaine type en Provence. Sur le blanc des Terrasses, nous utilisons le rolle avec un peu de sémillon (cépages). Bien qu’il ne soit pas de la région, le sémillon, introduit par Henri Vidal, fait un joli duo avec le rolle par la rondeur et la profondeur immédiate qu’il apporte. Le rolle donne au rosé la fraîcheur aromatique et la vivacité que l’on arrive à tenir, même dans les années de forte chaleur, et un final en bouche légèrement salin. En revanche, le blanc la Courtade, notre premier vin, contient seulement du rolle. Il est, de même que le rouge et le rosé la Courtade, vinifié et/ou élevé en barrique. Avoir deux types de vin est une des spécificités de notre domaine. Nous vendangeons mécaniquement pour plus de souplesse, et de nuit pour profiter de la fraîcheur et du fait que la Fondation est fermée à cette période. La mécanisation offre la possibilité de choisir la date de la récolte avec plus de réactivité qu’avec un personnel important. Pour les rosés et les blancs, c’est primordial car cela se joue parfois à deux ou trois jours près en fonction de la maturité. On peut ainsi travailler une parcelle et s’interrompre si la maturité n’est pas atteinte ailleurs, ce qui est difficile à gérer avec des équipes de vendangeurs. Cependant, les puristes vous diront qu’il n’y a que les vendanges manuelles. Nous pensons que le compromis entre avantages et inconvénients milite pour poursuivre dans cette voie.
Y a-t-il une synergie entre le domaine vinicole et la Fondation ? Depuis deux ans, nous organisons déjà, pendant les récoltes, des visites guidées et des matinées de découvertes dont les visiteurs de la Fondation sont les premiers concernés. À l’avenir, on veut pouvoir travailler l’oenotourisme hors saison en accompagnement de la Fondation qui a également l’objectif de développer des activités en intersaisons. Pour cela nous devons investir pour pouvoir accueillir le public quelle que soit la météo. Les jours de pluie on a beaucoup de monde à la Fondation. On est donc convaincu que l’on peut avoir une offre diversifiée autour de l’oenologie, y compris en octobre ou en novembre. Enfin, la clientèle de la Fondation nous permet d’envisager des ventes en circuit court, ce qui présente un intérêt économique évident.
Comment se présente la prochaine cuvée ? Nous avons fini les vendanges le septembre, sans incident météorologique. Les raisins sont très beaux et tant le rendement que la qualité sont au rendezvous. C’est donc une bonne cuvée qui s’annonce.