Var-Matin (Grand Toulon)

Roland Cayrol : « L’opinion réclame de nouveaux tours de vis »

- PROPOS RECUEILLIS PAR MATHILDE TRANOY

Roland Cayrol, politologu­e, directeur de recherche associé au Centre d’études de la vie politique française, livre son analyse sur la stratégie de l’exécutif et le ressenti des Français à ces mesures.

L’hypothèse d’un nouveau confinemen­t semble se préciser. Le gouverneme­nt est-il au pied du mur ? Est-ce un aveu d’échec ? Au pied du mur c’est sûr. Le Premier ministre a informé les parlementa­ires de la gravité de la situation. Le Président parle aujourd’hui. Le Parlement sera amené à se prononcer par un vote, ce qui est une nouveauté dans la gestion de la crise. On pouvait déplorer que la représenta­tion nationale n’était jamais associée aux décisions. C’est donc une façon de les mettre, eux, au pied du mur, de savoir s’ils sont d’accord avec la stratégie suivie. Pour le gouverneme­nt c’est, sinon un échec, du moins un échec relatif de la stratégie enclenchée. Le couvre-feu semble avoir été insuffisan­t et ça oblige le gouverneme­nt à avoir une stratégie plus offensive.

Va-t-il trop loin pour faire oublier sa gestion controvers­ée des débuts ? Nous sommes, comme beaucoup de pays, en permanence et depuis février, toujours en retard par rapport à l’évolution de l’épidémie. On l’a été sur les masques, le dépistage avec des retards incroyable­s pris par les tests, et l’incapacité de provoquer des isolements. La troisième phase aurait dû être le réarmement de l’hôpital et on a le sentiment que rien n’a été entrepris pour changer la situation de l’hôpital public. Il y a eu ce sentiment, réel, qu’on courait après le virus sans une stratégie qui savait l’arrêter. Ce que je constate c’est que nous ne sommes pas les seuls à avoir essayé la stratégie du stop and go : confinemen­t, déconfinem­ent, reconfinem­ent partiel par des effets de ripostes ciblées, territoria­lisées. On arrive à la constatati­on que ça ne suffit pas.

Qu’attendent les Français ? Les Français ont peur. Pour eux et leur famille, les personnes âgées. Il y a une vraie angoisse qui s’est emparée de la société française qui tient à l’incertitud­e quant à l’avenir. On a espéré que c’était fini ou quasi fini. Ce n’est pas le cas. Au contraire on nous annonce des périodes plus terrifiant­es. L’opinion publique réclame de nouveaux tours de vis. Plus d’interdicti­ons, de restrictio­ns, d’autorité de la part de l’Etat. Beaucoup de personnali­tés gouverneme­ntales craignaien­t qu’il y ait volonté de l’opinion de ne pas suivre les mesures trop coercitive­s or il y a une demande de coercition plus importante. À vouloir trouver le bon équilibre entre santé et économie, ne risque-t-on pas d’échouer sur les deux tableaux ? C’est exactement le risque. Je crois qu’on peut comprendre tous les gouverneme­nts, et notamment le nôtre, qui ont voulu préserver la vie économique et la vie sociale. En décidant un couvrefeu et pas un confinemen­t, c’était pour mettre en avant la vie sociale et économique plutôt que la santé à tout prix et là, le gouverneme­nt est forcé de rebrousser chemin.

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