« Les gens l’aimaient réellement »
« Vincent, depuis ma fenêtre, je te voyais ouvrir l’église, j’entendais le bruit de tes clés. Aujourd’hui, la cloche a sonné, tu n’es plus là. Ton silence est assourdissant. » L’hommage a été déposé sur le parvis, orphelin, de la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption. Vincent Loquès, son cher sacristain, son fidèle serviteur, n’est plus. Les cloches résonnent, comme pour rappeler celui qui a insufflé tant de vie ici. Et le parvis se couvre de roses blanches, de bougies, de coeurs, de photos des victimes. Illuminée à l’heure où tombent les ténèbres, la majestueuse église veille sur elles.
Au lendemain de l’attentat qui a fait trois morts à Nice, Notre-Dame s’éveille groggy. Vincent Loquès n’est plus là, chez Multari, pour partager le café matinal avec son ami Jean-François Gourdon, le trésorier de la paroisse. « Il avait son petit caractère, parvient à sourire Jean-François. Mais il avait le coeur sur la main. Il s’adaptait à tout le monde. Il était très consciencieux dans son travail. » Marion, elle, n’aura plus le plaisir de servir Vincent chez Multari. « Il venait souvent. Il était très sympathique. Il avait l’air d’être quelqu’un de bien. Toujours souriant, jovial. » Jeudi, c’est une collègue de
Manon qui a servi à Vincent Loquès son ultime café. « Elle l’a vu dix minutes avant qu’il se fasse assassiner. Elle a eu très peur, d’ailleurs, et s’est réfugiée à l’arrière. »
Fidèle à sa Tinée natale
Hier, Vincent Loquès aurait dû fêter ses 55 ans. Père de deux filles, il est né le 30 octobre 1965 à Saint-Étiennede-Tinée. Ses parents, Francis Loquès, ex-responsable d’un camping-caravaning, et Raymonde Murris étaient très connus au village et dans la station d’Auron. La semaine dernière encore, Vincent était dans sa vallée natale, sinistrée par la tempête Alex. Il était monté fleurir les tombes de ses parents et grands-parents. Il voulait revenir au pays, était en pourparlers pour acheter un appartement. Il venait souvent rencontrer les gens du village. Les Stéphanois ont été très touchés par son décès brutal. Ouvrir et fermer les portes, assurer la sécurité, veiller à ce que tout soit en ordre, gérer les cierges… Mais aussi distribuer les mots gentils, les petites attentions, les gages de foi en l’humanité. Telle était la vie de Vincent Loquès, dans le cosmopolite quartier Notre-Dame. Son métier aurait dû s’exer
cer dans « une ambiance de paix », soupire Sébastien Darçon, 44 ans. Lui-même est le sacristain de l’église Saint-Pierre d’Arène. Il avait l’habitude de croiser Vincent Loquès, lorsqu’il habitait près de Notre-Dame et venait y prier. « Quand j’ai vu sa photo, j’ai pensé : « C’est pas vrai, c’est bien lui… »
Facilement généreux
Le père Florini, de son côté, a connu Vincent Loquès sacristain à l’église Jeanne d’Arc. « C’était un garçon rayonnant, mais pas un gros bavard. Il aimait bien accueillir les gens un peu borderline. Par gentillesse. Il laissait entrer les SDF dans l’église. Quand les personnes avaient un comportement correct, il ne les mettait pas à la porte – ça lui est arrivé aussi, je l’ai vu faire pour des incidents graves. » Mais en toutes circonstances, Vincent Loquès « était facilement généreux. Ce n’est pas du tout le sacristain XIXe siècle, habillé en noir et l’air triste. Les gens l’aimaient réellement. » Aujourd’hui, ceux qui l’ont connu le pleurent. Des anonymes aussi. Notre-Dame, elle, n’oubliera jamais le visage de Vincent Loquès.