Var-Matin (Grand Toulon)

Nadine. « Cette femme, c’était juste de l’amour et de la bienveilla­nce »

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

« C’était la gentilless­e avec un grand G. » D’une voix blanche, Joëlle Guichard trouve la force nécessaire pour parler de Nadine Devillers. « Sa meilleure amie depuis trente ans ». Elles avaient sympathisé sur les planches de théâtre. Ces derniers mois, l’Atlantique séparait les deux fidèles amies. Joëlle était partie s’installer au Québec. Depuis jeudi, un terroriste a mis fin à leurs espoirs de retrouvail­les. Nadine Devillers, 60 ans, a trouvé la mort en la basilique Notre-Dame-de-l’Assomption. Cette église où elle aimait tant venir prier. C’est son mari qui a prévenu Joëlle. « J’ai entendu cette horreur à Nice. J’ai tout de suite pensé à elle, confie Joëlle. Elle habite pas loin de NotreDame, elle est croyante… J’ai pris mon téléphone pour l’appeler. Et j’ai vu que j’avais un appel en absence. » Le mari de Nadine. « Dès qu’il a décroché, que j’ai entendu ses sanglots, j’ai compris. « C’est pas elle ? », « Si, c’est elle ». Bref, c’est le cauchemar absolu. »

Niçoise d’origine varoise

Nadine Devillers était originaire de Draguignan. Elle a quitté le Var pour Nice «à l’âge de 18 ans, je crois » ,retrace Joëlle Guichard. Son amie était devenue « une Niçoise pure et dure, dans l’âme ». Une âme tournée vers la religion. Nadine était catholique, croyante sans être une fervente pratiquant­e. En réalité,

Nadine « allait souvent prier pour les gens qu’elle aimait. De temps en temps, elle brûlait un cierge. C’était une femme qui aimait les autres. Elle donnait tout pour les autres. Elle allait prier pour son mari, pour moi… Pour qu’on soit heureux. Elle faisait le bien autour d’elle. C’était juste de l’amour, cette femme. C’était juste de la gentilless­e, de l’amour et de la bienveilla­nce, tout le temps. C’était Nadine. » Salvatore Gabriele, un autre ami de la victime, confirme cette empathie, cet altruisme chevillé au coeur de Nadine. « Elle était souriante, avenante, toujours à s’assurer que tout allait bien pour les autres. Malgré ses conditions modestes, elle restait digne et ne laissait rien paraître de ses problèmes personnels. » Car l’indéfectib­le sourire de Nadine dissimulai­t une vie, une enfance « semées d’embûches ». Ses jeunes années furent « difficiles ». Sa dernière expérience profession­nelle fut douloureus­e. « Mais c’était une battante. Elle s’en est toujours sortie, témoigne Joëlle, avec une admiration perceptibl­e. Elle avait une force énorme. Elle disait : « Ça ira mieux, tu verras, ça va aller... »

Plus forte que les galères

Y croire, toujours. Même quand le destin lui refusa le bonheur d’être mère. «Ça aussi, c’est un drame, insiste Joëlle, la voix tremblante.

Quelque part, ça les a rapprochés. Ils étaient fusionnels. Sa vie, c’était son mari. » Vingt-six ans de vie commune. Et l’amour, intact, pour surmonter « les grosses galères », notamment financière­s. Dans sa vie, Nadine a «faitde tout : secrétaire, vendeuse, agent immobilier, location de voiture… » Son dernier emploi l’avait conduite en arrêt maladie. Ces derniers temps, Nadine recherchai­t à nouveau du travail. Comme son mari. « Elle se remettait petit à petit… Et boum. » La religion lui a, sans doute, été d’un précieux secours. « Je pense que ça l’a aidée, acquiesce Joëlle. La religion, c’est l’espoir de l’unité, ce côté candide. » Une candeur rongée par les attentats qui ont rythmé les années 2010 en France, notamment à Nice. « Ça la paniquait. Peut-être qu’au fond d’elle-même, elle savait… À chaque attentat, elle était profondéme­nt marquée. Ça lui faisait très mal. Elle était très sensible. Et là, c’est tombé sur elle ! »

« Il nous a enlevé une étoile »

Sur le profil Facebook de Nadine, une photo de groupe. Plusieurs de son chat blanc. La baie des Anges. Des églises. Et beaucoup de citations. Dont celle-ci : «Jesuis une personne forte. Mais de temps en temps, j’aimerais bien que quelqu’un prenne ma main et me dise que tout va bien se passer… » Le confinemen­t ? Nadine n’en souffrait pas pour elle, réfugiée avec son mari et son chien. Mais « elle souffrait pour les autres. Les pauvres gens confinés, les malades ». Pas de quoi éteindre pour autant « cette joie, cette lumière » qui la caractéris­ait : « On ne pouvait pas ne pas l’aimer. » Aujourd’hui, Joëlle dénonce « une injustice totale. Il nous a enlevé une étoile. » Àsa douleur s’ajoute la frustratio­n de ne pas pouvoir venir du Canada, dans le contexte Covid. Mais avec le mari de Nadine, Joëlle tentera d’exaucer le rêve de son amie : achever, puis publier le roman qu’elle écrivait. Un roman sur sa propre vie.

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(D.R.) Nadine Devillers,  ans, avait le goût des autres, du théâtre et de l’écriture.

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