La bataille du livre fait rage
Face à la concurrence de la Fnac et d’autres enseignes de la grande distribution, les libraires indépendants sont majoritairement restés ouverts hier. Récit d’un acte de résistance
Bonjour, vous avez 1984 ?» La question vient d’un homme, assez jeune, qui a passé la tête par la porte de la librairie Contrebandes. Le client ne semble même pas surpris que ce commerce toulonnais soit ouvert au premier jour du reconfinement. Réalisant peut-être que la situation n’est pas tout à fait normale, il finit par demander sur un ton léger : « Comment vous fonctionnez ? Vous faites à emporter comme au Mac Do ? » Effectivement la situation n’est pas normale. Les librairies n’étant a priori pas jugées comme des commerces prioritaires, Contrebandes aurait dû être fermée hier. la cogérante Paola en convient. « C’est une réaction à l’ouverture de la Fnac », se justifie-t-elle. Et d’expliquer plus en détail son acte de résistance : « Les magasins Fnac ont le droit d’ouvrir car ils vendent de la téléphonie et de l’informatique (1). Mais tous les autres rayons du magasin, notamment les livres et les disques, restent accessibles. Du coup, la concurrence est faussée ». La libraire toulonnaise et Damien, l’autre cogérant qui s’occupe de La Cellule Records, la partie dédiée aux disques, ne sont pas les seuls à s’émouvoir de cette situation. Dans le Var, les librairies Charlemagne (lire par ailleurs) ont elles aussi décidé de rester ouvertes.
L’arbitrage de Bercy
Le mouvement est en fait national. « Que ce soit chez les Libraires du Sud ou au Syndicat de la librairie française, ça bouillonne beaucoup. En fait on veut que les choses soient clarifiées. Soit le livre devient un produit essentiel et tout le monde ouvre. Y compris les bibliothèques d’ailleurs. Soit il ne l’est pas et on fait alors en sorte que les magasins tels que la Fnac ferment leur rayon livres pour ne pas concurrencer les librairies », expliquent Paola et Damien. Des arguments qui ont visiblement porté. Hier en début de soirée, le ministère de l’Économie a fait savoir en effet que la Fnac et la grande distribution devraient fermer leurs rayons livres immédiatement. 1. Des produits indispensables à l’heure où le gouvernement encourage fortement le recours au télétravail.