Var-Matin (Grand Toulon)

« Une quantité industriel­le d’annulation­s »

Stéphane Lelièvre a dû mettre en sommeil la quasi-totalité de son hôtel aux Sablettes ainsi que six de ses restaurant­s. Deux restent actifs, à La Seyne et à Toulon, pour la vente à emporter

- PROPOS RECUEILLIS PAR M. G. mguillon@nicematin.fr

Quelles sont les conséquenc­es directes du reconfinem­ent sur votre groupe ? Six de nos restaurant­s

() sont fermés depuis jeudi soir et ils le resteront jusqu’au  décembre au moins. Il nous faut annuler une quantité industriel­le de réservatio­ns. C’est évidemment compliqué car novembre est habituelle­ment un bon mois… Pour le groupe, le manque à gagner sur le mois de novembre sera de l’ordre de   euros.

Quelle est la situation pour le Grand Hôtel des Sablettes ? On termine le week-end car on était encore presque complet vendredi soir (hier) et ce soir. J’avais annoncé qu’on fermerait dimanche, mais finalement, on décide d’ouvrir une fois par semaine, le week-end, pour recevoir les gens du coin qui souhaitera­ient se changer les idées en passant une nuit ici, en bord de mer. Ils seront donc accueillis le samedi en début d’après-midi et pourront rester jusqu’au dimanche  h. Tous les repas seront en formule “room service” ou à emporter. Il a fallu bien évaluer les choses avant de prendre cette décision car, pour ouvrir - que ce soit pour une ou dix chambres, on mobilise jusqu’à trente personnes.

Justement, quid du personnel ? Dans l’immédiat, une vingtaine de salariés reste au travail pour assurer l’administra­tion, la sécurité et l’entretien des établissem­ents, mais aussi la vente à emporter dans deux restaurant­s (lire cicontre, Ndlr). Globalemen­t, nous avons une grosse cinquantai­ne de personnes en chômage partiel. La situation est dramatique pour ceux qui sont en CDD ou en contrat saisonnier et qui, pour la plupart, sont renouvelés à  % durant la période hivernale. Mais ils ne pourront l’être au moins jusqu’à mi-décembre. C’est compliqué pour eux d’avoir le sentiment d’être sur un bateau pris dans une tempête sans vraiment en voir l’issue...

Et vous, moralement, comment traversez-vous cette tempête ? Nous sommes un groupe un peu plus important que la moyenne ; donc aujourd’hui, c’est plus simple pour nous car les banquiers nous écoutent. Mais je me dis que s’il nous était arrivé la même chose quand nous avions un ou deux restaurant­s, nous n’aurions pas tenu un mois. J’ai donc un sentiment d’infinie tristesse pour tous nos collègues, souvent jeunes, à qui ça arrive au mauvais moment. Il y a plein de minots issus de l’école hôtelière de Toulon, qui ont ouvert un restaurant et qui font un super boulot. Ces jeunes sont nécessaire­s car ils font évoluer la destinatio­n touristiqu­e en faisant de la qualité. Mais la période est dramatique pour eux ; c’est comme si on coupait les ailes d’un oiseau qui prend son envol. Il y aura beaucoup de dégâts dans la profession...

Cette crise va-t-elle impacter les projets de votre groupe ? Les projets d’hôtels cinq étoiles à Toulon (du côté des Pins penchés, Ndlr) et aux Pesquiers (Hyères) ne devraient pas être impactés.

À titre personnel, quelles leçons tirez-vous de cette période ? Je me rends compte combien notre métier est précieux pour les gens. Même si le Président considère que nos établissem­ents ne sont pas essentiels à la survie, nous – les hôtels, les bars, les restaurant­s –, nous sommes des acteurs de la vie. D’une part, nous sommes associés aux souvenirs de famille, que ce soit l’anniversai­re de la grand-mère, le baptême du petit dernier, le mariage du grand... D’autre part, dans une société de plus en plus égocentrée, notre activité est un remède contre ça. Je vois souvent des personnes qui viennent dîner ou déjeuner seules et qui, en allant au restaurant, sortent de leur isolement, de leur solitude. Ça fait  ans que je fais ce métier et je n’avais jamais vraiment réalisé combien nous étions présents dans la vie des gens, voire essentiels pour l’équilibre de

Il y aura beaucoup de dégâts dans la profession ”

beaucoup. Cela rend mon métier encore plus important. Et ça va m’amener à faire évoluer mon discours envers mes salariés ! 1. Les Pins Penchés et Les Régates à Toulon, Le Robinson à Hyères, La Table du port à Carqueiran­ne, Horizon et Le Navigateur­s à La Seyne, ainsi que le spa Nuxe aux Sablettes.

 ?? (Photo archives V.-m.) ?? A la tête de onze établissem­ents dans le Var, Stéphane Lelièvre dit prendre, plus que jamais, conscience du rôle « essentiel » que jouent l’hôtellerie et la restaurati­on dans la vie des gens.
(Photo archives V.-m.) A la tête de onze établissem­ents dans le Var, Stéphane Lelièvre dit prendre, plus que jamais, conscience du rôle « essentiel » que jouent l’hôtellerie et la restaurati­on dans la vie des gens.

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