Dreams de Fleetwood Mac brille ans plus tard
À sa sortie, le titre des Anglo-Américains avait atteint la première place des charts aux États-Unis. Le voilà de retour dans les classements grâce à... une vidéo TikTok devenue virale.
Qui aurait cru qu’un modeste magasinier dans un entrepôt de pommes de terre, originaire de l’Idaho, pourrait avoir une telle influence sur les rouages de l’industrie musicale ? Quand Nathan Apodaca, un père de famille âgé de 37 ans, a constaté que sa voiture était en rade, il est resté serein. Sweat à capuche gris sur le dos, bouteille de jus de cranberry dans une main, smartphone dans l’autre, l’homme aux origines amérindiennes a grimpé sur son longboard pour rejoindre son lieu de travail. Sous le pseudo @Doggface208, il a partagé une vidéo de ce trajet décontracté sur TikTok, avec la chanson Dreams , de Fleetwood Mac. Et à la surprise générale, la séquence de 25 secondes est devenue très virale. Une heure plus tard, plus de 100 000 personnes l’avaient visionnée. Publiée le 25 septembre dernier, elle a atteint 66 millions de vues fin octobre.
Des bouteilles d’Ocean Spray et des streams à la pelle
Tout ceci a eu deux effets. D’abord, Nathan Apodaca, déjà repéré pour quelques vidéos où on le voyait danser, est devenu un « phénomène » international, sollicité dans tous les plus gros talkshows. La marque Ocean Spray, qui a bénéficié d’une belle pub gratuite, a décidé de lui offrir un SUV flambant, dont le coffre contenait un important stock de bouteilles de jus de cranberry. Pour Fleetwood Mac, le jackpot sera sans doute bien plus conséquent... Dans la foulée de la publication de la vidéo d’Apodaca, les ventes de Dreams ont progressé de 184 %. Les écoutes en streaming sur les plateformes (comme Spotify, Deezer ou Apple Music), ont grimpé de 242 %. Dreams, seule chanson du groupe ayant atteint la première place des charts, en 1977, a opéré un retour inattendu dans ce classement, où elle s’est hissée jusqu’à la 12e place. Merci Nathan... et aux jeunes auditeurs ayant offert une seconde vie au morceau !
Rumours, un monument né dans le chaos sentimental
Fondé en 1967, Fleetwood Mac avait évidemment connu des heures très fastes. Avant de se déchirer et de se reformer sans certains membres historiques, décédés ou fâchés, il a brillé dans les années 1970. La bande était alors agitée par des histoires sentimentales chaotiques, c’est le moins que l’on puisse dire. La chanteuse Stevie Nicks était en train de se séparer de Lindsey Buckingham, le guitariste. Entre elle et le batteur Mick Fleetwood, marié, une liaison voit le jour. De son côté, Christine McVie, chanteuse et claviériste, n’est pas loin du divorce avec John McVie, le bassiste. Tout ce beau monde a cependant réussi à mettre ses tensions de côté pour donner forme à Rumours, l’un des albums les plus célèbres du pop-rock. Sorti le 4 février 1977, le disque comporte plusieurs pépites qui traverseront les âges. Le magazine Rolling Stone ,luia attribué la 26e place dans son classement des meilleurs albums de tous les temps, réalisé en 2012. Il faut dire que son succès fut colossal. Vendu à 40 millions d’exemplaires, dont la moitié aux États-Unis, Rumours aoccupé pendant trente-et-une semaines la première place du Billboard Hot 100, où il a figuré pendant 378 semaines au total. Au Royaume-Uni, sa présence dans les charts aura duré 843 semaines, soit un peu plus de seize ans. Sur ce vinyle, récompensé par un Grammy Award un an après son édition, on trouve plusieurs singles marquants. Pour lancer l’aventure, Go Your Own Way, qui figurera deux décennies plus tard sur la bande originale du film Forrest Gump, fut choisi par Warner. Don’t Stop, écrite et composée par Christine McVie, est ensuite présenté, en avril 1977. En 1992, Bill Clinton l’utilisera durant sa campagne. Une fois président des États-Unis, il invitera Fleetwood Mac à jouer lors de son bal d’investiture.
Du spleen au cool
Et puis il y aura Dreams .Une histoire de rupture et de déception amoureuse, avec un arrière-goût de vengeance. Stevie Nicks l’écrit en un éclair, devant un piano Fender Rhodes. Les paroles sont acerbes. Nicks assure à un homme (Lindsey Buckingham, avec qui elle a vécu huit ans d’idylle) qu’il ne pourra jamais trouver quelqu’un comme elle. Une réponse, en quelque sorte, à Go Your Own Way. La mélodie, typique du soft-rock à la californienne, est supportée par une imparable ligne de basse. Il y a quelques années de cela, certains internautes avaient raillé le titre, le jugeant « impossible à danser ». Long de 4 minutes et 14 secondes, il reste très, très mélancolique. Il est donc assez amusant de le voir ressurgir 43 ans après sa création, grâce à une personne totalement décontractée, ayant décidé de voir le verre à moitié plein, alors que sa voiture venait de lui jouer un sale tour.
Un morceau écrit en un éclair par Stevie Nicks