Var-Matin (Grand Toulon)

Le «combat pour la République» du garde du corps de Charb

Au 45e jour des débats, les plaidoirie­s des parties civiles se sont enchaînées. Parmi elles, celles de Me Sarah Labi, l’avocate de Franck Brinsolaro, tué lors de l’attaque

- EDITH BOUVIER

L’attaque contre les anciens locaux de Charlie Hebdo, la décapitati­on de Samuel Paty et maintenant l’attaque meurtrière de l’église Notre-Dame, à Nice : depuis le début du procès, des attentats de janvier 2015, le 2 septembre dernier, les attaques terroriste­s s’enchaînent. Et à chaque fois, l’actualité vient télescoper l’Histoire. Comme celle du Toulonnais Franck Brinsolaro, garde du corps de Charb, rédacteur en chef du mensuel, tué lors de l’attaque menée contre le journal satirique, le 7 janvier, dont la parole a été portée hier à l’audience par Maître Sarah Labi. « Les morts ont droit à la parole, mais ils ont droit aussi au silence. »

Dans la police à  ans

C’est avec une citation tirée d’un article de Charlie Hebdo que Me Labi entame sa plaidoirie. Elle raconte le parcours de Franck Brinsolaro, rappelle ses états de service et dit enfin la souffrance muette de cette famille toulonnais­e, silencieus­e depuis le début de ce procès tant médiatisé : « Dire leur silence, ce n’est pas évoquer l’oubli. C’est raconter leur souffrance, dire le bruit de leur combat pour la République. Leur silence est aussi celui de Franck Brinsolaro, sa pudeur. » Car le garde du corps «ne parlait jamais de son travail, de ses missions ni de son courage, lui qui se battait pour la liberté d’expression, la liberté de culte et la paix », rappelle l’avocate. Franck Brinsolaro était entré dans la carrière à l’âge de 20 ans, avait intégré la Bac en SeineSaint-Denis puis le Service de orotection de la police nationale (SDLP). « Franck Brinsolaro était un garde du corps. Mais pas le jour de l’attentat. Ce jour-là, il n’a pu garder le sien, ni celui d’un autre », regrette Me Labi. L’avocate baisse la voix : «Aujourd’hui, sa mère Denise pleure tandis que son père, Pierre, oublie. Sa mémoire s’étiole pour ne plus souffrir. »

« Briser le silence »

Puis elle rappelle les mots de Philippe, le frère jumeau de Franck, aujourd’hui commandant de police à Marseille : « Philippe a raconté leur enfance à Toulon, leur scolarité en école privée, leurs premiers jours à l’école de police. Jusqu’à ce visage criblé de balles, qu’il a vu lors de l’identifica­tion des corps et qui lui a semblé être le sien », rappelle-t-elle. Me Labi achève sa plaidoirie comme elle l’a commencée, évoquant à nouveau la discrétion de la famille Brinsolaro : « Briser le silence de la famille Brinsolaro aujourd’hui, c’est garder en mémoire l’image de Franck, celle de son portrait flottant au vent dans la cour des Invalides lors de l’hommage national, se souvenir de son combat et de son nom comme le visage de la République. »

 ?? (DR) ?? « Franck Brinsolaro était un garde du corps. Mais pas le jour de l’attentat. Ce jour-là, il n’a pu garder le sien ni celui d’un autre », regrette Me Sarah Labi
(DR) « Franck Brinsolaro était un garde du corps. Mais pas le jour de l’attentat. Ce jour-là, il n’a pu garder le sien ni celui d’un autre », regrette Me Sarah Labi

Newspapers in French

Newspapers from France