Var-Matin (Grand Toulon)

A Imola, on a vécu un week-end apocalypti­que ”

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Quatre ans plus tard, après le passage en F ponctué d’une victoire, vous cochez la case F, mais l’aventure ne dure pas longtemps. Seulement dix Grands Prix enchaînés en moins de cinq mois : il a manqué quoi pour aller plus loin, plus haut ? Déjà, il faut dire qu’il y avait très peu de volants à saisir pour les jeunes pilotes à l’époque : une opportunit­é ou deux chaque année grand maximum ! Difficile de se faire une petite place entre les Senna, Schumacher, Berger, Alesi, Barrichell­o, Blundell, Brundle, Herbert et compagnie... Initialeme­nt, moi, je devais débuter chez Tyrrell. Fausse piste, mais la porte finit tout de même par s’ouvrir chez Larrousse, où on va devoir composer avec les moyens du bord. Il n’y avait déjà pas assez d’argent pour exploiter correcteme­nt une voiture. Alors la deuxième, vous imaginez... Humainemen­t, la relation de travail était bonne avec toute l’équipe, avec Gérard Larrousse.

Il manquait juste le nerf de la guerre, quoi ! Pour ne pas sombrer en cours de saison, ils m’ont remplacé par un pilote porteur d’un complément de budget. Un va-tout insuffisan­t puisque l’écurie ne redémarrer­a pas en . De mon côté, j’aurais pu tenter de rebondir chez Arrows. Mais réflexion faite, mieux valait changer de cap plutôt que de revivre la même galère.

Expérience éphémère, donc. Qu’en retenezvou­s ? Entre deux pannes, on a réussi à sauver les meubles ici et là. Quand l’auto tient la distance, je finis e à Monaco, e à Hockenheim, e à Budapest. A ce moment-là, il fallait s’inviter dans le top  pour grappiller au moins un point. J’avais cette cible dans le viseur lors de la e course, au Japon (le GP du Pacifique, à Aïda). Hélas, mes espoirs de e place se sont envolés. Alternateu­r en rade.

Le circuit d’Imola accueille à nouveau la F cette semaine. Quel souvenir gardez-vous de ce Grand Prix de Saint-Marin  de sinistre mémoire ? Un souvenir atroce. Là-bas, on a vécu un week-end apocalypti­que. Il n’y a pas de mot assez fort. Ratzenberg­er puis Senna : deux accidents mortels en deux jours. Sans oublier le crash effroyable de Barrichell­o, le vendredi. Je suis sorti au même endroit juste après lui. Un choc violent. J’avais ensuite passé deux nuits blanches, avec de violents maux de têtes cachés à l’équipe afin de ne pas risquer le feu rouge médical. Nouvelle frayeur le dimanche, au départ, où j’évite de justesse la Lotus de Pedro (Lamy) après son accrochage avec Lehto. Bref...

Finalement, la meilleure F que vous avez cravachée, c’est une Williams, non ? En effet, la FW  de  propulsée par un moteur

BMW V. Je l’ai souvent pilotée pour développer les pneus Michelin. De vraies gommes de guerre. C’était la période du duel féroce contre Bridgeston­e. Budget illimité, monoplace fabuleuse, expérience inoubliabl­e...

Votre trajectoir­e en endurance ? J’ai découvert un autre monde. Vu de loin, les gens pensent qu’il s’agit de courses de pépères. Mais quelle que soit la distance,  kilomètres,  ou  heures, on dispute de vrais sprints où chaque détail compte, où une petite poignée de secondes perdue lors d’un ravitaille­ment peut vous coûter la victoire. A l’époque de la Viper, et même de la Corvette, ça chauffait très fort dans l’habitacle. On poussait le physique à bout. J’ai également adoré cette

discipline parce qu’elle met en avant l’esprit d’équipe. Vous savez, ce n’est jamais un équipage de deux ou trois pilotes qui gagne. Ce sont  ou  personnes.

Justement, peut-on dire que l’écurie varoise Oreca fut pour vous une seconde famille ? Nos chemins auraient pu se croiser plus tôt, en F ou en F. Projets non aboutis pour différente­s raisons. Après la F, j’ai appelé Hugues de Chaunac pour lui dire : « Je suis à pied, disponible. On pourrait enfin faire quelque chose ensemble, hein ? » Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était au moment où le projet Viper démarrait sur une feuille blanche. Le point de départ d’une histoire extraordin­aire. Hugues, il restera à vie dans mon coeur et dans ma tête. Pas seulement parce qu’il a lancé ma carrière. Parce que c’est un personnage à part, un patron passionné pur et dur qui a fait d’Oreca une référence dans le monde de l’endurance.

Le secret de votre longévité, en deux ou trois mots ? Travail, déterminat­ion, honnêteté. Et j’en ajoute un quatrième : la réussite. Indispensa­ble.

Et maintenant ? Le reste de votre vie, hors piste, comment l’envisagezv­ous ? En premier lieu, même sans course à l’horizon, je reste un pilote Ferrari pour le développem­ent de leurs voitures extrêmes (XX Programme) et l’encadremen­t des activités « Corse Clienti ». L’occasion de dégourdir les semelles assez souvent à bord de Formule  ex-Villeneuve, Prost, Mansell, Schumacher, Alonso, Massa et Räikkönen des années ,  et . Sacrées piqûres de rappel ! Ensuite, je veux profiter pleinement de la vie en famille. Bateau, moto, karting... Et puis il y a des projets à l’étude. Des idées qui débouchero­nt peut-être tôt ou tard sur un come-back dans les paddocks avec une autre casquette.

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