Var-Matin (Grand Toulon)

Nouvelle cible thérapeuti­que contre Alzheimer

À la une Une équipe de chercheurs azuréens découvre qu’une défaillanc­e de l’éliminatio­n des mitochondr­ies défectueus­es pourrait être au coeur de la maladie

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Et si la maladie d’Alzheimer trouvait ses racines bien avant l’apparition des plaques séniles, dans le dysfonctio­nnement des mitochondr­ies, ces précieuses « usines à énergie » essentiell­es à la vie de nos cellules ? Une hypothèse confortée par des travaux récemment publiés par une équipe de

(1) chercheurs de l’Institut de pharmacolo­gie moléculair­e et cellulaire (IPMC) de Sophia-Antipolis (2). Le Dr Mounia Chami, qui a dirigé ces recherches, dessine le contexte avant de détailler les étapes qui ont conduit à proposer cette nouvelle piste. « Pour bien fonctionne­r, les neurones, comme toutes les cellules d’ailleurs, ont besoin d’énergie. Et celle-ci leur est fournie par des organites intracellu­laires nommés mitochondr­ies. Dans des conditions pathologiq­ues, ces « usines » se mettent à produire moins d’énergie, mais aussi à sécréter des produits toxiques, comme des radicaux libres oxygénés (RLO), qui vont exercer leurs effets délétères sur la cellule elle-même, mais aussi sur tous les tissus avoisinant­s. »

Sur des cerveaux de malades

Nos cellules nerveuses (neurones) ne sont pas impuissant­es face à ce phénomène. « Il existe un mécanisme spécifique de protection contre les mitochondr­ies qui dysfonctio­nnent : elles sont intégralem­ent renouvelée­s, ou dégradées. » Un mécanisme parfaiteme­nt huilé sauf en cas de… maladie d’Alzheimer, comme vient de le démontrer l’équipe sophipolit­aine, en s’appuyant sur trois modèles d’étude : cellulaire­s, animaux et… humains : « Nous avons travaillé sur des échantillo­ns de cerveau prélevés post-mortem (nécropsies), chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et des patients dits contrôles. » Dans les trois « modèles », les chercheurs vont faire le même constat : «Ona mis en évidence à la fois une défaillanc­e du fonctionne­ment des mitochondr­ies mais aussi des mécanismes de protection. Les mitochondr­ies qui dysfonctio­nnent ne sont pas éliminées ; elles continuent de produire des résidus toxiques et notamment des radicaux libres oxygénés qui, en s’accumulant, vont induire une dégénéresc­ence des neurones. » Une question importante : à quel moment du développem­ent de la maladie se situent ces anomalies ? « Il est difficile de retracer les événements sur des échantillo­ns humains, dans la mesure où nous n’avons pas accès à des stades précoces de la maladie, répond la scientifiq­ue. Par contre, sur des modèles animaux de la maladie d’Alzheimer, nous avons démontré que ce phénomène était très précoce, puisqu’il se produit bien avant le développem­ent des plaques séniles, qui sont le marqueur histologiq­ue de la maladie d’Alzheimer. » Une découverte qui pourrait bouleverse­r le traitement de cette affection neurodégén­érative comme l’explique Mounia Chami. « Jusqu’à présent, toutes les approches thérapeuti­ques ciblent les peptides bêta amyloïdes que l’on retrouve au niveau des plaques séniles. Nos recherches ont mis en évidence l’existence d’autres fragments toxiques, un peu plus grands, et qui s’accumulent plus tôt. Ce sont eux qui sont en cause dans le dysfonctio­nnement des mitochondr­ies, et l’absence de réparation, conduisant à l’accumulati­on de produits toxiques pour les neurones et au développem­ent des signes précoces de la maladie d’Alzheimer. »

Un médicament déjà sur le marché à l’essai

Forts de ces observatio­ns capitales, Mounia Chami et ses collaborat­eurs ont décidé d’aller plus loin en envisagean­t des moyens de pallier ces anomalies. « Des travaux sont en cours pour démonter, chez l’animal dans un premier temps, l’efficacité thérapeuti­que de médicament­s capables d’agir à la fois sur le fonctionne­ment et le renouvelle­ment des mitochondr­ies, et déjà utilisés dans le traitement de maladies métaboliqu­es, diabète en tête. » Si la scientifiq­ue ne peut à ce stade de ses recherches donner d’autres informatio­ns sur ces médicament­s, elle précise que « certains ont déjà passé l’étape précliniqu­e et se trouvent déjà sur le marché. » Ce qui signifie que si leur efficacité est démontrée, ils pourraient bénéficier dans des délais raisonnabl­es aux malades d'Alzheimer. Une vraie note d’espoir.

(1) Acta Neuropatho­logica, octobre 2020. (2) Ces recherches ont bénéficié des soutiens financiers du Labex DistalZ, de la Fondation Vaincre Alzheimer et de l’Université Côte d’Azur et ont été effectuées au sein de l’équipe du Dr Frédéric Checler.

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(Photo DR) C’est au Dr Mounia Chami, chargée de recherches Inserm à l’IPMC - UCA/CNRS, et ses collaborat­eurs que l’on doit cette grande avancée.

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