Nouvelle cible thérapeutique contre Alzheimer
À la une Une équipe de chercheurs azuréens découvre qu’une défaillance de l’élimination des mitochondries défectueuses pourrait être au coeur de la maladie
Et si la maladie d’Alzheimer trouvait ses racines bien avant l’apparition des plaques séniles, dans le dysfonctionnement des mitochondries, ces précieuses « usines à énergie » essentielles à la vie de nos cellules ? Une hypothèse confortée par des travaux récemment publiés par une équipe de
(1) chercheurs de l’Institut de pharmacologie moléculaire et cellulaire (IPMC) de Sophia-Antipolis (2). Le Dr Mounia Chami, qui a dirigé ces recherches, dessine le contexte avant de détailler les étapes qui ont conduit à proposer cette nouvelle piste. « Pour bien fonctionner, les neurones, comme toutes les cellules d’ailleurs, ont besoin d’énergie. Et celle-ci leur est fournie par des organites intracellulaires nommés mitochondries. Dans des conditions pathologiques, ces « usines » se mettent à produire moins d’énergie, mais aussi à sécréter des produits toxiques, comme des radicaux libres oxygénés (RLO), qui vont exercer leurs effets délétères sur la cellule elle-même, mais aussi sur tous les tissus avoisinants. »
Sur des cerveaux de malades
Nos cellules nerveuses (neurones) ne sont pas impuissantes face à ce phénomène. « Il existe un mécanisme spécifique de protection contre les mitochondries qui dysfonctionnent : elles sont intégralement renouvelées, ou dégradées. » Un mécanisme parfaitement huilé sauf en cas de… maladie d’Alzheimer, comme vient de le démontrer l’équipe sophipolitaine, en s’appuyant sur trois modèles d’étude : cellulaires, animaux et… humains : « Nous avons travaillé sur des échantillons de cerveau prélevés post-mortem (nécropsies), chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et des patients dits contrôles. » Dans les trois « modèles », les chercheurs vont faire le même constat : «Ona mis en évidence à la fois une défaillance du fonctionnement des mitochondries mais aussi des mécanismes de protection. Les mitochondries qui dysfonctionnent ne sont pas éliminées ; elles continuent de produire des résidus toxiques et notamment des radicaux libres oxygénés qui, en s’accumulant, vont induire une dégénérescence des neurones. » Une question importante : à quel moment du développement de la maladie se situent ces anomalies ? « Il est difficile de retracer les événements sur des échantillons humains, dans la mesure où nous n’avons pas accès à des stades précoces de la maladie, répond la scientifique. Par contre, sur des modèles animaux de la maladie d’Alzheimer, nous avons démontré que ce phénomène était très précoce, puisqu’il se produit bien avant le développement des plaques séniles, qui sont le marqueur histologique de la maladie d’Alzheimer. » Une découverte qui pourrait bouleverser le traitement de cette affection neurodégénérative comme l’explique Mounia Chami. « Jusqu’à présent, toutes les approches thérapeutiques ciblent les peptides bêta amyloïdes que l’on retrouve au niveau des plaques séniles. Nos recherches ont mis en évidence l’existence d’autres fragments toxiques, un peu plus grands, et qui s’accumulent plus tôt. Ce sont eux qui sont en cause dans le dysfonctionnement des mitochondries, et l’absence de réparation, conduisant à l’accumulation de produits toxiques pour les neurones et au développement des signes précoces de la maladie d’Alzheimer. »
Un médicament déjà sur le marché à l’essai
Forts de ces observations capitales, Mounia Chami et ses collaborateurs ont décidé d’aller plus loin en envisageant des moyens de pallier ces anomalies. « Des travaux sont en cours pour démonter, chez l’animal dans un premier temps, l’efficacité thérapeutique de médicaments capables d’agir à la fois sur le fonctionnement et le renouvellement des mitochondries, et déjà utilisés dans le traitement de maladies métaboliques, diabète en tête. » Si la scientifique ne peut à ce stade de ses recherches donner d’autres informations sur ces médicaments, elle précise que « certains ont déjà passé l’étape préclinique et se trouvent déjà sur le marché. » Ce qui signifie que si leur efficacité est démontrée, ils pourraient bénéficier dans des délais raisonnables aux malades d'Alzheimer. Une vraie note d’espoir.
(1) Acta Neuropathologica, octobre 2020. (2) Ces recherches ont bénéficié des soutiens financiers du Labex DistalZ, de la Fondation Vaincre Alzheimer et de l’Université Côte d’Azur et ont été effectuées au sein de l’équipe du Dr Frédéric Checler.