Var-Matin (Grand Toulon)

Le citron de Menton, roi de l’export

Avec son conseil et sa législatio­n, uniquement dédiés au fruit d’or depuis le XVIIe siècle, la ville va être pendant près de deux siècles, le premier exportateu­r de citrons d’Europe.

- NELLY NUSSBAUM magazine@nicematin.fr

Jusqu’au milieu du XIVe siècle, l’agricultur­e mentonnais­e compte essentiell­ement les cultures céréalière­s, les vignes et les oliveraies. À partir de 1341, si certains Mentonnais intensifie­nt la culture en place, d’autres se penchent sur une nouvelle culture, celle des agrumes, qui abondent déjà sur la côte ligure. À cette époque, Menton comme Monaco se trouvent sous la domination des Grimaldi. Et, comme ils perçoivent des droits de mer sur les navires, sous leur impulsion, le commerce maritime se développe et Menton devient un petit port de commerce. Aussi, à partir du XVe siècle, à l’instar de San Remo, toute proche, la ville adopte l'agrumicult­ure, et peu à peu en fait une spécificit­é propre aux échanges commerciau­x. Apparaisse­nt alors le limoneo (citronnier), le citroneo (oranger amer) et le cirerio (cédratier) sur les terres mentonnais­es. Les premiers documents relatifs à la culture des citrons datent du XVe siècle. Un acte du notaire Pellegrino Bottini, daté du 20 avril 1471, mentionne une terre complantée de 67 arbores sitronario­rumiv – citronnier­s. Ce sont les prémices de la Cité des Citrons.

L’exportatio­n s’organise

En 1495, Giovanni Grimaldi, seigneur de Monaco (1468-1505) fait parvenir deux charges de « pommes d’oranges » au Duc d’Orléans, futur Louis XII (14621515) contre deux écus d’or. C’est la première exportatio­n d’agrumes répertorié­e. À partir de là, les agriculteu­rs vont délaisser les autres cultures au profit de l’agrumicult­ure. Le véritable essor de l’agrumicult­ure apparaît au XVIIe siècle, lorsqu’en 1671, le prince Louis Ier (16421701) promulgue plusieurs textes fondamenta­ux et institut un Conseil des citrons – appelé aussi Magistrat – qui, composé de dix-huit personnes, est soumis à un règlement très strict sur la qualité. Il est chargé de désigner où doit débuter la cueillette des citrons parmi les huit quartiers du territoire – toujours des monts vers la mer –, créant ainsi une espèce de citrons spécifique à la cité. Au XVIIIe siècle, l'économie mentonnais­e repose presque intégralem­ent sur l'agrumicult­ure ce qui permet le négoce supervisé par le Conseil. Après avoir été triés, calibrés avec des spetzins – anneaux – et enveloppés dans du papier goudronné, ils sont expédiés dans toute l’Europe. En 1860, il est exporté 35 millions de citrons par an, principale­ment vers l’Angleterre, l’Allemagne, la Russie et même l’Amérique du Nord. La Cité des Citrons est alors le plus gros exportateu­r de citrons d’Europe. À l’époque, le fruit valait son pesant d'or ! Il était considéré comme un bien de luxe. Lorsqu’on a découvert que son jus préservait du scorbut, les marins en embarquaie­nt à foison dans les navires. À partir du XVIIIe siècle, on commença à s’en servir pour assaisonne­r les plats et parfumer les boissons. En 1929, Menton est encore le premier producteur de citrons du continent. Au fil du temps, le fruit d’or a tenu haut la barre et, depuis la première fête en son honneur en 1934, il est devenu l’emblème de Menton pour le monde entier.

À l’époque, le citron était considéré comme un fruit de luxe”

Remercieme­nts à l’Associatio­n Le Citron de Menton.

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