Quel impact a la crise de la Covid sur le VIH ? Prévention
Sur les bus niçois s’affichent en ce moment la campagne « savoir C guérir ». L’objectif : inciter le public à se faire dépister pour le VIH et les hépatites B et C
Alors que la Société Française de Lutte contre le Sida (SFLS) présidée par le Dr Pascal Pugliese, infectiologue au CHU de Nice, a tenu le mois dernier son congrès annuel – version virtuelle – l’heure est au bilan. Les professionnels de santé ont scruté à la loupe les comportements de la population pour tenter de tirer des conclusions utiles à la prise en charge des patients VIH. Première chose, pour le moment il est impossible de connaître l’incidence du confinement sur le taux de contamination. Parce que l’on manque d’éléments et surtout parce qu’il est difficile de dresser des comparaisons avec les années passées tant la situation est inédite. Sur le plan du dépistage, si les deux premiers mois de l’année se situaient à des niveaux plus élevés qu’en 2019, le recours aux tests s’est littéralement effondré pendant le confinement. Or s’il n’y a pas de dépistage, il n’y a pas de prise en charge. Pour autant, à partir de mai, la reprise a été progressive. Au total, sur l’année 2020 (du 1er janvier au 13 septembre), moitié moins de tests ont été réalisés par rapport à ce qui était escompté, si nous avions vécu une année normale. Or les spécialistes du VIH craignent un retard de diagnostic des personnes contaminées qui entraînerait une possible reprise de l’épidémie. Pour faciliter la recherche d’une éventuelle séropositivité, la SFLS plaide pour que les pharmaciens puissent réaliser des TROD (Tests rapides d’orientation diagnostique). « Le groupe pharmacie de la SFLS a mené une étude – sollicitée par la Direction générale de la santé – auprès de pharmaciens. 75 % d’entre eux se disent favorables au fait de proposer des TROD pour le VIH et les hépatites B et C à leurs patients, annonce Julie Langlois, responsable de ce groupe. Tous les professionnels souhaitent pouvoir bénéficier d’abord d’une formation afin de pouvoir accompagner au mieux la personne en cas de positivité du test, pour pouvoir l’orienter vers les professionnels de santé qui pourront confirmer le résultat et ensuite la prendre en charge. » Car une personne qui connaît son statut sérologique et qui est rapidement mise sous traitement antirétroviral obtient une charge virale indétectable et ne transmet pas le virus.
Accéder au dépistage en labo sans ordonnance
Élargir l’offre de dépistage du VIH et traiter rapidement D Pascal Pugliese
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D’autres types d’initiatives à l’instar du « labo sans ordo » mené depuis plus d’un an à Paris et dans les Alpes-Maritimes vont dans le sens d’une facilitation de l’offre de dépistage. Ce dispositif consiste à permettre à quiconque le souhaite de se rendre dans un laboratoire de ville pour faire un test sérologique VIH sans ordonnance et pris en charge par l’Assurance-maladie. « L’idée est d’élargir l’offre de dépistage du VIH. L’expérimentation « labo sans ordo » est un succès : elle a trouvé son public et les taux de découvertes de séropositivité sont supérieurs à ceux trouvés avec des tests prescrits », analyse le Dr Pugliese. Autre sujet abordé par les spécialistes : la primo prescription de la Prep en ville. Pour rappel, la Prep (Prophylaxie pré-exposition) est un traitement préventif visant à réduire nettement le risque de contamination. C’est l’une des grandes armes de la lutte contre la progression du virus VIH. Or «un décret – initialement prévu pour mars mais repoussé à cause de la Covid – devrait être publié dès la fin novembre début décembre. Il prévoit d’autoriser les médecins de ville à établir une primo prescription de la Prep – cette prérogative est pour l’instant réservée aux hospitaliers et aux CeGIDD (Centre gratuit d’information de dépistage et de diagnostic, Ndlr), résume le Pr Gilles Pialoux, membre du conseil d’administration de la SFLS et chef du service des Maladies Infectieuses, de l’hôpital Tenon (Paris). C’est intéressant parce que cela permet d’ouvrir une nouvelle porte d’entrée dans la prise en charge. La SFLS va par ailleurs accompagner les médecins qui le souhaitent par le biais d’une formation conçue en e-learning. Une plateforme va être lancée très prochainement. »
L’actualité étant pour le moins largement occupée par la Covid, les professionnels de santé et associatifs entendent bien rappeler que les autres virus circulent toujours. Encore une fois et compte tenu des mesures sanitaires (confinement, couvre-feu, absence de réouverture des boîtes de nuit...), la donne a nécessairement changé cette année. Les chiffres de 2019 dans la région étaient bons avec une baisse du nombre de contaminations au VIH. Gageons que la tendance se poursuive, histoire que 2020 ne soit pas totalement à jeter aux oubliettes.
Président de la SFLS, infectiologue niçois