Home-jacking à Roquevaire : la loi du silence étouffe les débats
Mémoires qui flanchent, dénégations, contradictions avec leurs dépositions devant les gendarmes... Les témoins entendus hier par la cour d’assises du Var dans le cadre du procès en appel de Maël Siaf et Mehdi Rahmani sont revenus avec difficultés sur les circonstances ayant débouché en première instance, en septembre 2019 à Aix-en-Provence, à des condamnations à respectivement vingt ans de réclusion criminelle pour vol avec arme, séquestration, violence en réunion et recel, et deux ans d’emprisonnement pour destruction d’objet concernant un crime - en l’espèce un téléphone portable - dans l’optique de faire obstacle à la manifestation de la vérité. Un grand écart presque dérangeant en comparaison du compte rendu de l’enquête tout en détails réalisé plus tôt dans la journée par le major Pierre Pietri. Celui-ci est revenu sur les faits, violents, commis au sein de la villa de la famille P. dans la nuit du 28 au 29 mai 2016 à Roquevaire, dans les Bouchesdu-Rhône, non loin d’Aubagne.
Cette nuit-là, deux hommes avaient violemment attaqué le couple P. et ses enfants à leur retour du restaurant familial. Les deux hommes, grimés et armés, réclamaient la recette de la soirée. À l’issue d’une bagarre, l’un des cambrioleurs, Mohamed Berrebha, était atteint mortellement par une cartouche de fusil de chasse tandis que Cyril P. était blessé à la cuisse. Le deuxième malfaiteur parvenait à prendre la fuite.
« À Marseille, tout ce sait »
Ce sont les écoutes téléphoniques et l’abnégation de W., soeur de Mohamed Berrebha, à découvrir l’identité du complice de son frère qui ont mis le directeur d’enquête sur la piste de Maël Siaf. Celle-ci, en garde à vue en 2017, avait reconnu qu’il lui avait avoué être avec son frère le jour des faits. Des déclarations qu’elle a réfutées hier, comme en première instance. « Il ne m’a jamais dit avoir été avec Mohamed, affirme-t-elle depuis la caserne de Meaux où elle a entamé une formation militaire. Si je l’ai dénoncé devant les gendarmes, c’était parce que j’étais énervé qu’on ait laissé mourir mon frère comme ça... En fait il n’a rien à voir dans cette histoire. » Pourtant, W. avait donné aux enquêteurs des éléments connus du seul complice. « J’ai lu ça dans les journaux...» Tout autant sur la défensive, d’autant plus qu’elle venait d’être mise en cause par W., Stella M., ex-petite amie de Mohamed Berrebha, a elle aussi la mémoire qui fait défaut. « Je ne sais rien du tout. Les gendarmes m’avaient mis la pression pour que j’évoque Maël Siaf et Mehdi Rahmani. » Elle réfute avoir assisté à un parloir sauvage avec Farid H., incarcéré alors à Luynes, qui lui avait appris la responsabilité de Maël Siaf. « Je ne m’en souviens pas...» Un dernier témoin, cousin de Mohamed, n’est pas plus d’une grande aide, même s’il avoue à la barre « savoir à peu près qui était là au moment des faits », et que « ce n’était pas Maël Siaf ». Car « à Marseille, tout se sait ». Pas à Draguignan apparemment...