Ibrahim Maalouf cadeau d’anniversaire Il y a dans l’impro la clé de notre bonheur social”
Son douzième album sort aujourd’hui : 40 mélodies puisées dans son répertoire pour marquer son quarantième anniversaire.
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Il avait jusque-là réussi à faire de 2020 une année pas si foirée avec un mariage le mois dernier, un quarantième anniversaire, un nouvel album et la préparation d’une tournée. Et puis le reconfinement. « Il y a mieux » , dit-il pour sortir un album de 40 mélodies pour marquer ses 40 ans. Un brin dépité, il reste optimiste, choisit de faire confiance au public qui le suit et qui « aura encore envie de soutenir mon travail en l’achetant sur les sites Internet. Que cela soit un beau soutien au monde artistique. Si le public nous soutient, on s’en sortira ». Ibrahim Maalouf, profondément philosophe, comme le peuple du Liban, dont il est originaire.
mélodies pour vos ans : c’était le bon âge pour cette rétrospective ? Disons plutôt que c’est un bon âge pour regarder un peu en arrière, me remettre en question, améliorer le propos artistique, développer de nouvelles idées. Je ne sais pas si c’était le bon âge, mais je sentais que c’était l’âge qui le permettait.
Quand on revisite ainsi son répertoire, on le fait avec indulgence et bienveillance ou au contraire, un esprit critique ? Ça dépend. (il rit) J’ai essayé d’être le plus objectif possible en réécoutant tous ces morceaux, pour revenir à la simplicité, des choses, à l’essentiel. C’est mon douzième album et, jusque-là, j’ai beaucoup travaillé dans la complexité des arrangements, dans l’orchestration. Cette fois, je voulais faire simple.
L’essentiel c’est une trompette et une guitare ? J’ai souvent voulu cacher la trompette, même si j’aimais l’instrument. En revenant à plus de simplicité, je redécouvre l’importance de cet instrument, qui est le seul héritage que j’ai de mon père (). Et puis, je voulais aussi revenir à l’essentiel avec mon guitariste, François Delporte, qui m’accompagne depuis ans.
Une trompette, une guitare et quelques guests… Sur certains morceaux en effet, j’ai eu envie qu’on soit tous les deux entourés par certains artistes avec qui j’ai pu jouer précédemment [Sting, M ou encore Marcus Miller, Richard Bona, ndrl], et avec qui j’avais envie de célébrer mes ans. En fait, j’ai fait cet album pour me faire un très beau cadeau.
Comment expliquez-vous que votre musique parle à toutes les générations ? Il faudrait demander aux gens qui écoutent, qui apprécient, pour savoir ce qui les touche. Il y a toujours eu dans ma musique une très grande sincérité, je n’ai jamais fait un album pour faire du commerce, je n’ai jamais cherché à faire le buzz. J’ai construit un monde artistique qui me ressemble et qui n’a pas d’âge. Quand je sors un album, je ne me demande pas pour qui il est. J’ai la volonté de créer de la musique qui fait du bien et de véhiculer des valeurs qui me semblent importantes et ça, c’est totalement intergénérationnel. Mon public représente les franges de la société dans laquelle nous vivons.
On a le sentiment, en écoutant vos albums, que vous refusez de vous enfermer dans un “genre” musical ? Oui complètement. Ce n’est pas que je refuse de manière catégorique. C’est plutôt que ma musique n’appartient pas à un genre en particulier. Je suis jazz, musique orientale, classique… Je ne refuse rien. Je me suis toujours inscrit dans une démarche ouverte et positive : je ne refuse pas les étiquettes, je les accepte toutes !
Vous écrivez pour vous, pour les autres, produisez avec votre label, il manque quelle corde à votre arc ? (il rit) C’est ça qui est beau dans notre métier : il nous permet de voyager, de ne pas êtres cloîtrés dans un genre, etc. Tous les jours, je me dis que malgré les incongruités de la vie, avec les difficultés que la notoriété peut parfois apporter, j’ai la chance de faire ce métier, d’avoir la liberté de créer, d’avoir ce public qui me suit. J’espère pouvoir continuer à créer, inventer, essayer de nouvelles choses.
Comme l’émission que vous animez sur TSF Jazz ? J’aime bien toutes ses nouvelles aventures qui s’offrent à moi, je suis assez gourmand quand il s’agit de création et de créativité. J’espère que je continuerai à me surprendre moi-même à travers les différentes collaborations. Je me mets dans la peau d’un journaliste dans une émission dédiée à l’improvisation.
Vous l’avez fait entrer dans les écoles de musiques également. Pourquoi cet engagement ? L’improvisation c’est une religion pour moi ! On la sous-estime dans la musique, et pourtant elle a une place fondamentale. Je travaille beaucoup autour de cette notion-là. J’ai monté un festival dans la ville où j’ai grandi en France, Étampes, où tous les artistes qui viennent sur scène improvisent. C’est je crois, une des clés d’apaisement social, culturel, intergénérationnel. Il y a dans l’impro la clé de notre bonheur social.
Parce que c’est moins réfléchi, c’est plus authentique ? C’est cela. il y a plus de sincérité, plus de liberté à une époque où la liberté, de vivre, de s’exprimer, fait débat. On oublie aussi l’importance du jeu, de l’amusement et du plaisir que cela peut représenter de travailler l’improvisation. Surtout, ce n’est pas le fruit d’une expression libre et déstructurée. C’est tout l’inverse. C’est s’exprimer dans l’écoute de l’autre, des autres. Cela crée de l’envie de l’empathie, de la collaboration, de l’écoute. C’est une très belle école de la vie, de la compréhension de l’autre. C’est tout simplement apprendre à vivre ensemble. Il naît une bienveillance sociale. C’est un peu ce message que j’essaie de transmettre à travers mes improvisations géantes.
Pour finir sur une note plus positive, mélodies pour vos ans mais morceaux à écouter… Vous nous mentez sur votre âge ? (Il éclate de rire) Je me suis dit que mélodies c’était chouette mais si je pouvais y ajouter de nouveaux morceaux c’était bien aussi. J’ai ajouté trois mélodies en bonus que je n’avais jamais sorties avant.
Quand je sors un album, je ne me demande pas pour qui il est”
1. Nassim Maalouf a donné vie à la trompette quart de ton.