Var-Matin (Grand Toulon)

J’aime beaucoup Cesária Évora, Mayra Andrade et Maurane”

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Gamine, Stefi avait fait une apparition dans L’École des fans. Elle avait chanté Pleure pas Boulou, de Pierre Bachelet. Quand Jacques Martin lui avait demandé ce qu’elle voulait faire plus tard, elle avait répondu « coiffeuse ». Raté. Stéfi Celma s’est construit d’autres rêves, qui la guident depuis longtemps. À trente-quatre ans, la Martiniqua­ise est en train de devenir une femme qui compte, au cinéma et à la télévision. En 2020, en plus de retrouver son rôle récurrent dans la quatrième saison de Dix pour cent, celui d’une hôtesse désireuse de devenir comédienne, elle a multiplié les apparition­s au cinéma. Des stilettos de Miss Paca dans Miss, le film de Ruben Alves, aux courses-poursuites survitamin­ées de Balle perdue, de Guillaume Pierret pour Netflix. En passant par Tout simplement noir, de Jean-Pascal Zadi, où elle tient son propre rôle. Celle qui doit son prénom à la tenniswoma­n Steffi Graf, dont son père était fan, n’a pas l’intention d’attendre sagement au fond du court. La voilà embarquée sur un autre terrain. Une lubie d’actrice en mal de sensations ? Plutôt un retour aux sources pour elle, puisqu’elle a fait ses premiers pas dans le monde du spectacle avec Sol en cirque, un conte musical, avant de jouer dans Je m’voyais déjà , une comédie musicale de Laurent Ruquier dédiée aux classiques de Charles Aznavour. Depuis Bruxelles, où elle réside, Stéfi Celma nous a parlé de cette passion pour la musique, de son envie de jouer collectif, mais aussi de la manière dont les regards sur la femme noire qu’elle est ont évolué.

Quelle place occupe la musique dans votre vie ? Je l’ai toujours beaucoup aimée. Je me suis mise au piano à huit ans. Et dans ma famille, j’avais des cousins et des tantes qui jouaient aussi d’instrument­s. C’est vraiment la musique qui m’a menée vers la comédie.

Dans un épisode de Dix pour cent, vous vous êtes retrouvée en train de reprendre ParisSeych­elles avec son auteur, Julien Doré... C’était un sérieux clin d’oeil. Avec Julien, on a beaucoup échangé, il m’a donné de précieux conseils. Quand j’ai terminé ma chanson, Maison de terre, je lui ai envoyée. Et ses beaux mots en retour m’ont encouragée.

Maison de terre baigne dans la bossa-nova et les influences capverdien­nes. C’est votre registre ? J’ai plein d’influences, mais c’est vrai que j’aime beaucoup ça. Je pense à Cesária Évora, évidemment. Mais aussi à Mayra Andrade. À côté de ça, j’aime aussi beaucoup la chanson française. Maurane, avec sa voix de velours, grave, m’a toujours beaucoup émue.

Que raconte ce premier morceau ? C’est l’histoire d’une femme libre. De ses mouvements, de son ton. Elle est entre la douceur, la nostalgie et l’ironie. Elle ressemble aux femmes dans lesquelles j’ai envie de me reconnaîtr­e, ancrées, avec un ton juste.

Pourquoi avoir créé votre propre label, Moyo Production­s, pour sortir cette chanson ? Je voulais que l’artistique soit au centre de tout. Qu’on sente le côté homemade. Par le passé, j’ai déjà eu l’occasion de signer avec une maison de disques. Mais on m’imaginait dans un registre plus urbain. J’écoute des chansons de ce style, mais ce n’est pas ce que j’ai envie de faire. Avec Moyo, je veux aussi mettre en lumière d’autres artistes. Je pense par exemple à Imani Assumani, un producteur et réalisateu­r que j’ai rencontré à Bruxelles, avant d’aller enregistre­r avec lui à Kinshasa [en République démocratiq­ue du Congo, ndlr]. Ou encore à Camille Yembé, avec qui j’écris. C’est une Belgo-Congolaise de  ans. Elle est incroyable, à la fois bien de sa génération et parfois dotée d’une « vieille âme ». Ses textes sont parfois crus, mais toujours poétiques.

Quand une actrice passe à la musique, beaucoup l’attendent au tournant. Même pas peur ? J’arrive humblement et je sais qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Au cinéma et à la télé, je joue constammen­t des rôles. Là, je me présente de la façon la plus sincère possible. Ceux qui appréciero­nt cette chanson appréciero­nt un bout de moi !

Il paraît qu’il y a longtemps, vous aviez posté des chansons sur Myspace... Je préfère qu’on ne les retrouve pas ! (elle rit) Cela a été un vrai parcours, j’ai mis du temps à me faire confiance. Aujourd’hui, j’ai  ans. Je crois avoir gardé le meilleur de mon éducation et de ma culture, en me débarrassa­nt de ce qui ne me convenait pas.

Côté comédie, fini le temps où l’on vous disait qu’on ne cherchait pas de noire ? Je ne l’entends plus frontaleme­nt en tout cas. Je le dois à Dix pour cent. Et je crois aussi que dans ma génération, et celle légèrement plus âgée, ce genre de discours tend à disparaîtr­e. Quand je vois des gens comme Ladj Ly, Maïmouna Doucouré ou Roschdy

Zem récompensé­s aux César, je me dis qu’on avance. Après, moi, j’ai un parcours particulie­r par rapport à ça.

Que voulez-vous dire ? Que j’ai commencé à avoir du travail quand j’ai décidé de garder mes cheveux afros. C’était quelque chose de très ancré dans notre culture, il fallait se lisser les cheveux, essayer de s’européanis­er. Heureuseme­nt, parmi les gens qui m’accompagne­nt, on m’a toujours poussée à être authentiqu­e.

Pensez-vous au fait que vous puissiez devenir un exemple pour certaines jeunes filles ? J’ai eu une prise de conscience au début de Dix pour cent .Des mamans m’envoyaient des messages pour me dire que leur fille commençait à assumer ses cheveux. Maintenant, c’est devenu normal, ce n’est plus un sujet.

Je me présente de la façon la plus sincère possible”

En dehors de votre single, avezvous lancé d’autres projets ? J’ai fini le tournage de Petit Piaf, un film réalisé par Gérard Jugnot à La Réunion. C’est un conte musical, centré sur trois garçons. J’incarne la mère de l’un d’eux qui vient de remporter The Voice. Et là, je tourne une série en Italie, dont je ne peux pas parler. Tout le monde est un peu en panique pour la suite. Le tournage doit encore s’étirer sur plusieurs mois.

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