Patrick Artufel : « La monoculture c’est le déséquilibre »
Installée depuis plusieurs générations à Hyères, la famille Artufel a enclenché la diversification depuis longtemps : « On a récupéré les serres de mon père, qui avaient été dévastées suite à la grêle exceptionnelle de 2014. Elles étaient assurées et ont été refaites à neuf. En 2015, on y a créé un verger d’agrumes, et on a acheté un terrain au voisin pour y planter des grenadiers ». L’horticulteur avait déjà abandonné la rose pour la spiruline : « 25 ans de rosiers et rien d’autre, on a bien vu ce que ça donnait ! La monoculture c’est le déséquilibre, ça nous a enfermés. On a eu peur de rester dans ce système. La diversification c’est l’avenir. Et intellectuellement, c’est plus enrichissant d’être ouvert à tout ».
Grenades, stévia et vente en direct
Après leurs études, les filles de Patrick Artufel l’ont rejoint dans son entreprise, la SARL Les Îles d’or. L’aînée, Céline, avec son époux Christian et, depuis peu, leur fils Gaël, s’occupent de la spiruline. La cadette, Audrey, de l’arboriculture. « Quand mon père faisait les roses, il nous disait que c’était trop dur » se souvient cette dernière. Son dossier d’acquisition d’une parcelle agricole à Carqueiranne venant d’être accepté par la Safer (1), elle compte y planter encore des grenadiers. « On a actuellement quatre variétés, cela permet d’échelonner la récolte. L’arbre produit à partir de la deuxième année, mais il faut compter sept à huit ans pour qu’il donne à plein régime », ajoute la jeune femme. Bien que les serres ne soient pas chauffées, les deux cents agrumes s’y épanouissent, arrivant à maturité après la spiruline, ce qui permet d’avoir des fruits en automne et en hiver : mandarines, clémentines, pomelos, yuzus, combavas, limes et tangelos (un hybride entre le pomelo et la clémentine).
«S ous les serres, à côté des agrumes, il restait un peu de place. J’y fais aussi pousser 1 500 plants de la stévia
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depuis 2018 ». Avec ce nouveau terrain, ils disposeront en totalité d’un peu plus de 2 hectares de grenades, et 1,2 ha de cultures sous serres.
Les Artufel transforment au maximum eux-mêmes. La spiruline se décline en paillettes, poudre, barres énergétiques, savons et autres formats. Les grenades sont vendues telles quelles ou en jus. « L’extraction du jus à partir des arilles se fait sur place avec une petite machine. On pourra en faire à plus grande échelle plus tard, précise encore Audrey Artufel.
La stévia est vendue sous forme de feuilles séchées pour sucrer certaines boissons. Nous n’avons pas le droit d’en faire de la poudre, c’est réservé à l’industrie sucrière, mais on n’a pas dit notre dernier mot ».
100 % agriculture biologique
Le choix de la commercialisation en direct, notamment via leur site internet, s’est rapidement imposé. La crise sanitaire n’a fait que le renforcer. Outre la vente à la ferme, fruits, jus, spiruline et stévias sont également présents dans des magasins de producteurs, comme la Grande Bastide à Roquebrune-sur-Argens, et dans les paniers de quelques en AMAP. D’ailleurs, les agrumes sont cueillis à la demande.
« Toute notre production est labellisée Agriculture biologique, même la spiruline depuis cette année. Nous adhérons au réseau AgribioVar, relève avec fierté Patrick Artufel. Connaissant la faiblesse des pensions des agriculteurs, cette diversification nous apportera un complément lorsque nous partirons à la retraite, ma femme et moi, en octobre 2022. On va souffler un peu et nos enfants feront ce qu’ils souhaitent ».
1. Société d’aménagement foncier et d’établissement rural.
La stévia est une plante originaire d’Amérique du Sud, au fort pouvoir édulcorant.