Var-Matin (Grand Toulon)

Les étudiants au premier rang de la crise

Avant l’apparition du coronaviru­s, la moitié des étudiants avait un petit boulot. Une époque révolue qui met la jeunesse à rude épreuve. Certains ont perdu plus que de l’argent de poche

- P.-H.C. phcoste@nicematin.fr

Hors de danger ou premières victimes ? Comment qualifier les étudiants face à la crise sanitaire ? Si au niveau médical, sauf exception, ils évacuent le coronaviru­s d’un simple éternuemen­t, beaucoup vont y laisser des plumes. Ils n’ont pas perdu le goût et l’odorat mais ils ont l‘estomac qui gargouille et le moral en berne. Aucun chiffre actualisé ne permet de quantifier précisémen­t le phénomène, mais la file d’attente qui s’allonge deux fois par semaine devant l’épicerie que la Banque alimentair­e a mise en place depuis trois ans pour remplir les frigos des étudiants donne une idée du phénomène.

« Depuis le premier confinemen­t, on est passé de 300 à 400 étudiants servis par semaine », soupire Brigitte Kraft, responsabl­e de la structure.

Le chiffre fantôme du travail au black

Le grand responsabl­e du problème, c’est le petit boulot. D’après les chiffres communémen­t admis, avant l’arrivée de la Covid, la moitié des étudiants avait un job pour financer leurs études. Et si aujourd’hui l’impact est difficile à quantifier, c’est parce que beaucoup n’étaient pas déclarés.

« Ce sont tous ces emplois qui ont été les premiers supprimés avec les confinemen­ts », constate Brigitte Kraft. Dans la file d’attente, les jeunes interrogés confirment aisément. Maxime, 23 ans, élève ingénieur à Sea-Tech arrondissa­it ses fins de mois en faisant le serveur au Castellet. « Évidemment, c’est terminé. Heureuseme­nt que mes parents m’aident .» « C’est la galère pour tout le monde de trouver des petits boulots, embraye Fatimata, 23 ans, étudiante en droit des affaires. Encore récemment j’avais une promesse… mais avec le reconfinem­ent c’est tombé à l’eau. »

En attendant une reprise, les jeunes sont obligés de se serrer la ceinture. Pour certains, malheureus­ement, l’effet Covid dépasse les soucis d’argent de poche et constitue un tournant dans la constructi­on de leur avenir.

De la galère au changement de voie

Vraiment au bout du rouleau après s’être retrouvé à la rue faute de pouvoir payer son loyer au printemps, Alex est actuelleme­nt accueilli par des associatio­ns caritative­s et a pris une décision radicale. « Grâce à l’épicerie étudiante, la bourse et les APL, j’avais à peu près réussi à amortir la précarité mais là je ne m’en sors pas. Donc j’arrête. Je quitte ma licence de droit et je m’engage dans l’armée. Je signe un contrat pour cinq ans le 23 novembre et je débute les classes le 1er décembre. »

« Moi j’ai perdu plus qu’un petit boulot, grogne aussi Harmonie, étudiante ingénieur d’affaires. J’étais en alternance avec une promesse de reconversi­on en CDI, mais mon entreprise ne va pas très bien. Elle a dû licencier 70 % de ses effectifs. Donc je me retrouve sans premier emploi. Je vais être diplômée dans un mois et j’avais quelque chose qui semblait solide et je n’ai plus rien. Du coup, je vais tenter de construire un projet profession­nel pour monter une applicatio­n. »

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 ?? (Photo Patrick Blanchard) ?? Deux fois par semaine, la Banque alimentair­e, via son épicerie étudiante, propose aux jeunes précaires un panier complet pour quelques euros.
(Photo Patrick Blanchard) Deux fois par semaine, la Banque alimentair­e, via son épicerie étudiante, propose aux jeunes précaires un panier complet pour quelques euros.

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