Var-Matin (Grand Toulon)

Votre attestatio­n de déplacemen­t

À la veille des annonces d’Emmanuel Macron, le Pr Michel Carles, chef du service d’infectiolo­gie du CHU de Nice, prône un renforceme­nt de la pédagogie et un allègement de la coercition

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le professeur Michel Carles dirige le service d’infectiolo­gie du centre hospitalie­r universita­ire(CHU) de Nice.

Quel bilan de gestion de la crise peut-on établir à ce stade en France ?

Il est évident que nos réponses pour maîtriser l’épidémie sont imparfaite­s. Elles sont peu efficiente­s : le développem­ent de la deuxième vague nous a démontré s’il en était besoin, que les mesures mises en place lors du déconfinem­ent, la pédagogie et l’appel à modifier nos comporteme­nts sociétaux afin de contenir la circulatio­n virale, ont été mises en échec. D’où ces réponses coercitive­s difficilem­ent acceptable­s et l’incapacité d’envisager aujourd’hui d’autres solutions que le reconfinem­ent.

Des espoirs avec un vaccin ?

Un sondage Ipsos a révélé que parmi les quinze principaux pays touchés par l’épidémie, la France a le taux le plus bas d’acceptatio­n d’une possible vaccinatio­n antiCovid efficace ( %), derrière les USA ( %). À titre de comparaiso­n, la population chinoise, outre sa participat­ion à  % à une campagne de dépistage de masse, accepte de surcroît à plus de  % le futur vaccin – probableme­nt de façon plus ou moins volontaire.

Il sera difficile me semble-t-il de contraindr­e la société française à aller là où elle ne veut pas aller.

Comment voyez-vous l’avenir ? D’aucuns avaient préconisé l’attitude de dépistage de masse, d’isolement et de modificati­ons des comporteme­nts comme le seul moyen d’éviter de figer la société, mais il est clair que nous n’avons pas les moyens du dépistage de masse tel que la Chine le réalise. Et, au-delà des moyens, nous n’avons probableme­nt pas le désir de modifier nos comporteme­nts : la société chinoise ne semble pas souffrir de se plier à des injonction­s sécuritair­es (vaccinezvo­us, dépistez-vous, éloignezvo­us) alors que pour la société française et, à des degrés variables, pour toutes les sociétés occidental­es, ce type d’évolution signifiera­it perte d’identité, perte de culture, perte de sens – on voit d’ailleurs des manifestat­ions anticonfin­ement se multiplier en Europe. À partir de là, ne devonsnous pas accepter notre destin ?

Qu’entendez-vous par là ?

Pour ne pas tourner le dos à nos valeurs et nos modes de vie, nous devons renoncer à avoir un contrôle parfait de l’épidémie qui est une maladie dont la dangerosit­é repose sur le très grand nombre de sujets atteints, mais dont le taux de létalité est proche de celui de la grippe. Et de le vouloir ensemble, si nous décidons de faire face aux conséquenc­es de nos choix.

Mais il reste ce problème de saturation des services de réanimatio­n ?

Cette situation n’est pas seulement liée à l’afflux de malades, mais aussi au nombre insuffisan­t de lits. Notre système de santé actuel n’est pas à même de répondre à la crise que nous traversons. C’est la question de la priorisati­on qui est ici posée. Qu’est-ce que notre société, moins riche qu’il y a trente ans, souhaite prioriser ?

Tout cela signifie-t-il que nous avons perdu la bataille contre la Covid- ?

Non, il ne faut surtout pas baisser les bras. Nous devons nous donner les moyens de sauver nos modes de vie, notre liberté et agir pour que les conséquenc­es soient les moins lourdes possible. Sachant que nous ne voulons pas de coercition – nous ne vivons pas sous un régime autoritair­e – il faut faire le plus possible de pédagogie. Et ce travail n’incombe pas aux médecins qui sont des scientifiq­ues et pas des communican­ts.

Emmanuel Macron s’exprimera demain. Qu’espérez-vous ? J’attends un renforceme­nt des mesures de prévention, de la pédagogie, toujours plus, et de l’entraîneme­nt des population­s, pour un allègement des mesures de coercition. Sachant que les lieux de contaminat­ion sont surtout le milieu profession­nel et le cercle familial, il faut prendre des mesures plus fortes dans ces domaines, je pense en particulie­r au télétravai­l. Il vaut probableme­nt mieux laisser les petits commerces ouverts que pousser tout le monde à s’agglutiner dans les grandes surfaces. Il vaut mieux laisser les restaurant­s ouverts avec des règles très strictes de distanciat­ion que tuer notre art de vivre.

PROPOS RECUEILLIS PAR

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(Photo N.C. ) Le Pr Carles coordonne l’hospitalis­ation (hors réanimatio­n) des patients Covid dans les Alpes-Maritimes.

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