« On vit avec une épée de Damoclès sur la tête »
Un an après les inondations de novembre 2019 les agriculteurs de la basse vallée de l’Argens, qui sont toujours en activité, sont dépités
Il y a un an, le 23 novembre 2019, la basse vallée de l’Argens était inondée. Les agriculteurs installés dans cette plaine fertile de l’Est-Var ont encore souffert. Cultures noyées, installations dévastées, véhicules emportés… Ils ont à peine eu le temps de nettoyer leurs exploitations, avec l’aide de nombreux bénévoles, que l’eau du fleuve les a submergés à nouveau une semaine plus tard. Comme à de multiples reprises depuis le 15 juin 2010… Où en sont-ils à ce jour, ont-ils été indemnisés à la hauteur de leurs pertes, comment envisagent-ils l’avenir ? Si les situations sont diverses, un sentiment est partagé : ils se sentent oubliés.
« Les travaux sont trop longs »
Ses serres dévastées à Roquebrune-sur-Argens ont fait la une de Var-matin le 26 novembre 2019. Aujourd’hui, Raphaëlle Vacherot cultive toujours des orchidées et une vanilleraie, mais elle prépare sa reconversion…
« Nous avons perdu les trois quarts de nos orchidées, qui n’ont pas survécu à cause de l’eau mais aussi du froid puisque la cuve de gaz avait été emportée et que le fournisseur n’a pas été réactif. À cause du confinement, la nouvelle a été livrée en mai dernier », explique l’horticultrice.
Les aides de l’État se sont montées à 10 000 €.
« Ce qui me sauve, c’est mon assurance Axa et mon agent, qui a vraiment été présent, soulignet-elle. Les avances m’ont permis de vivre pendant le confinement, un problème qui s’est rajouté, et le solde doit être versé prochainement. La perte totale sur l’inondation est de 200 000 : ce n’est évidemment pas ce que je vais percevoir. »
Raphaëlle Vacherot, qui a vu se développer un réseau d’entraide locale, ne croit plus en la puissance publique : « Depuis dix ans, les travaux de sécurisation de la plaine sont beaucoup trop longs, du fait de la machine administrative. Il y a des gens au niveau de l’État qui n’ont aucune notion de ce qui nous arrive, un décalage énorme entre la réalité du terrain et les décisions », estime-t-elle.
Cinq salariés en , plus aucun en
Depuis 2010, les orchidées Vacherot – un grand nom de la profession – se commercialisaient sur les foires et salons partout en France. Un seul a été maintenu en octobre. « Je n’arrête pas de licencier. J’avais cinq salariés à l’époque, en 2019 il m’en restait un et aujourd’hui je travaille seule. » Si elle a plutôt bien travaillé en juillet août, « avec le reconfinement c’est morne plaine. Nous sommes ouverts mais nous ne voyons personne ».
« Psychologiquement, c’est lourd »
Alors Raphaëlle Vacherot fait d’une passion à laquelle elle s’adonnait par plaisir, un projet d’avenir. Elle a débuté, dans sa maison, la fabrication de savons à base d’huiles essentielles. « Je suis en cours de création d’une autre société, précise-t-elle. Et j’installerai la savonnerie dans un endroit non inondable. Sinon, je me rétablis du mieux que je peux. Psychologiquement, c’est lourd, on vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. »
À 56 ans, cette reconversion est la seule solution car « une prochaine inondation serait totalement fatale ».